Jeux de mots
Éditorial

Jeux de mots

Les mots sont notre pain quotidien. Nous savons que les mots en signifient toujours plus qu’ils n’en disent. Les personnes dont nous nous occupons nous glissent parfois quelques perles qui permettent de nous réveiller l’esprit. Ils nous permettent de leur transmettre nos propres pensées les concernant. Les mots suscitent des inférences multiples par présupposition ou par un heureux effet de surprise.

L’un me dira un jour « je n’aime pas les mots de passe » ce qui suscite en moi de multiples associations. Une autre, lors de notre première rencontre, me dira : « on m’a dit que vous étiez le psy chic », ce que j’ai évidemment entendu à double si ce n’est à triple sens. Que dire aussi de ce patient qui écrivait sur les murs de sa chambre : « l’enfer me ment ». Je me souviendrai toujours aussi de ce garçon m’apostrophant à propos de ses parents en exhibant son bras sur lequel il avait inscrit comme un tatouage : « kill them ». Je lisais évidemment cela dans la langue de Molière plutôt que dans celle de Shakespeare, le désir de ce garçon de se dégager d’une « menace dépressive », signe de la quête d’un « objet d’amour » inaccessible.  

Si personne ne faisait de l’esprit, il n’y aurait dans le monde que de la matière. Mais j’ai un ami, qui, malgré lui, a été un jour rangé dans la catégorie des humoristes. Il m’a avoué qu’il n’ose plus exprimer par moment sa tristesse, « cela ferait rire » m’a-t-il dit.

Entre deux mots, faut-il alors choisir le moindre ou au contraire toujours chercher à s’engager dans une danse souriante de l’esprit ? Je penche franchement pour la survie de nos métiers à la deuxième proposition. Il est peut-être plus sage de danser la vie que de toujours vouloir la comprendre.

Alain Braconnier vient de publier aux éditions Erès "La menace dépressive à l'adolescence"