A l’évidence, le Livre noir de la psychanalyse est à l’usage d’un vaste public, ce qui est la fonction d’un livre noir : sur le communisme, le colonialisme, les affaires françaises en Centre Afrique, l’affaire du sang contaminé par le virus HLA, etc. Un livre noir sur Saddam Hussein accompagne à une semaine d’intervalle celui qui est consacré à la psychanalyse. Ce type d’ouvrages (en principe) consiste en dossiers rapportant des événements scrupuleusement établis à partir d’archives officielles dissimulées par l’autorité politique d’un Etat. Mais ici, l’Etat visé est une communauté de praticiens, une profession, voire une “idéologie”, terme un peu excessif pour rendre compte d’un soi-disant monopole qu’auraient construit “les psychanalystes” pendant les années 1945-1970, une sorte d’empire. Le concept de livre noir se trouve donc étendu à une pratique thérapeutique plus ou moins liée à un corpus de théories, une “discipline” que son fondateur voulait scientifique et qui s’est énormément diversifiée en 110 ans. Par ailleurs, dans les livres noirs classiques, les responsables des horreurs sont clairement identifiés par leur noms, leurs fonctions et leurs actes dans l’organisation d’un crime collectif. Dans le cas présent, on ne trouve que les noms de Freud père et fille, Jung, Adler, Jones, Ferenczi, Rank, Klein, Abraham, Dolto, Bettelheim, Lacan. Pour une raison qui échappe, on ne trouve le nom d’aucun psychanalyste américain autre que B. Bettelheim et G. Fromm-Reichman ; ne figure pas davantage le nom de psychanalystes argentins, le pays le plus “enfreudisé” après la France, paraît-il.
Mais le plus étonnant de ce livre résolument tourné vers un avenir sans Freud, est l’absence de la bibliographie du moindre psychanalyste encore vivant sur l’un quelconque des continents touchés par le mal ; ce qui est une façon de montrer sans avoir à l’établir que la…