Dans cet entretien, Daniel Marcelli revient sur l’éducation et le développement de l’enfant en lien avec la notion de renoncement parental. Propos recueillis par Alexandre Morel et Kevin Hiridjee.
Cet entretien ayant lieu dans le cadre d’un dossier sur le thème du renoncement, notre première question est toute simple : à partir de votre expérience de pédopsychiatre, que vous inspire cette idée de « renoncement » ?
Le renoncement est une nécessité vitale de l’être humain. S’il veut trouver une place dans l’espace social, l’individu doit renoncer. La logique du psychisme est une logique de toute-puissance et d’illimitation. On pourrait y revenir, mais un auteur comme Adam Philips (2013) écrit, dans La meilleure des Vies, que le meilleur des désirs, c’est celui qui n’a jamais été satisfait. Pourquoi est-ce ainsi ? Sans doute parce qu’il y a toujours un résidu de frustration dans la satisfaction du désir, qui naît de l’écart entre la satisfaction imaginée et celle que l’on obtient réellement. À la seconde où le désir est satisfait, il ne peut que renaître de ses cendres dans un autre désir. La théorie psychanalytique a fortement articulé le désir au manque, en considérant que le désir naissait du manque. Donc, il y a quelque chose du renoncement, de la frustration et de l’apprentissage des limites qui est consubstantiel au fait même de désirer. On peut appeler ça aussi la finitude, si l’on veut.
La grande difficulté de notre époque, c’est que les valeurs sociétales, en particulier les valeurs de l’individu reposent sur une idéologie de l’illimitation. Un exemple parmi d’autres : au début des années 2000, il y avait un forfait mobile qui s’appelait « Illimythic » qui proposait des communications illimitées. « Illimythic » : j’ai trouvé que c’était un…