La perte de la présence
Éditorial

La perte de la présence

Les circonstances ont fait que j’ai perdu une personne qui m’était très chère pendant le bouclage de ce numéro. À mesure que je relisais les articles, j’étais frappé par un étrange sentiment qui était celui de la perte de la présence. Une évidence qu’on s’efforce de refouler m’est alors apparue : présence et perte sont indissociables. S’il y a perte, c’est qu’il y a eu une présence et, à l’inverse, s’il y a présence, c’est qu’il y aura perte.

Toute l’œuvre de Freud est organisée autour de cette partition entre la présence d’un côté – ce qu’on appelle la psychosexualité et les investissements d’objet – et la perte, le deuil et la mélancolie de l’autre. Chacun peut remarquer combien la perte et la présence ont des propriétés communes. L’une et l’autre sont d’abord des faits, des constats : « je constate que j’ai oublié mes lunettes ou que j’ai bien mes clés ». L’une et l’autre décrivent l’accidentel comme l’existentiel – on peut perdre son portefeuille ou ressentir qu’on a « perdu » sa jeunesse. Et enfin, les deux s’étendent du plus trivial au plus métaphysique. On dit par exemple que Dieu est « celui qui est » ou que l’homme a perdu sa grandeur originelle.

Dans son dernier livre, Raviver de l’esprit en ce monde, (2023), le philosophe helléniste et sinologue François Jullien insiste sur le fait que la perte est surtout un concept d’après-coup. « Ce n’est qu’après la perte que je me rends compte qu’il y a eu perte. C’est-à-dire qu’au moment où je perds ce que je perds, je ne m’en rends pas compte. La perte, s’agit-il seulement de mes gants, s’opère donc toujours à mon insu. Même si je dis : je suis en train de perdre mon temps, ou…

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