J’ai utilisé cette expression pour désigner la perversion criminelle (Bonnet, 2021b, p. 67), celle qui est revenue sur le devant de la scène avec fracas ces dernières années, viol, inceste, pédophilie, etc. dont il est finalement assez peu question dans l’œuvre freudienne alors que c’est un problème qui nous est posé tous les jours. Pour bien en comprendre les sources, il faut se référer à la théorie de la séduction proposée à ses débuts par Freud pour expliquer les origines de l’hystérie, et donc à ce qu’il appelle « sa neurotica », selon laquelle les troubles névrotiques seraient la conséquence d’attentats sexuels intervenus dans l’enfance sous l’emprise paternelle. Freud y a renoncé en se disant qu’il n’était pas possible que toutes les hystériques qui s’adressaient à lui aient été réellement séduites sexuellement de cette façon.
C’est exactement ce que l’on dit parfois aujourd’hui à propos des perversions extrêmes : « ce n’est pas possible qu’il y en ait tant », et pourtant, cette fois, c’est vrai, et c’était probablement déjà vrai à l’époque de Freud. La différence, c’est que cela vaut en tout premier lieu pour ces pathologies meurtrières. On le découvre à l’analyse : si ces sujets se livrent régulièrement à leur pratique, c’est du fait qu’ils ont été séduits dès l’enfance de façon perturbante, mais attention, pas seulement par le père, et d’une façon beaucoup plus radicale et plus complexe que celle où l’entendait Freud.
Car il s’agit ici de ce que j’appelle la séduction originaire, à laquelle nul être humain n’échappe et qui est à la source de toute la dynamique sexuelle. Autrement dit, la théorie de la séduction émise par Freud était juste, mais à condition de désigner par cette expression la toute première séduction, corrélative de ce…