Les directrices de l’ouvrage Désillusions reviennent sur le statut de la désillusion dans la pensée psychanalytique et sur son intérêt dans le travail clinique.
Carnet Psy : Comment s’est imposée l’idée de traiter de la désillusion et pourquoi le faire maintenant ?
Françoise Cointot :Le contexte sociétal actuel est marqué par la traversée des désillusions. Pour n’en citer que quelques-unes : l’illusion de la fin de la guerre nucléaire après les bombes de Nagasaki et Hiroshima ; l’illusion du caractère épuisable des ressources naturelles, etc. Cette désillusion à dimension macroscopique, sociale et géopolitique, se rejoue de façon plus intime dans nos cabinets et sur nos divans. L’une des difficultés est de mettre en pensée et en symbolisation les mutations sociétales : l’être humain dit « amplifié » par le monde virtuel, la question des identités et des genres, la menace posée sur les démocraties. Nous assistons au délitement des pelures d’oignon chères à Durkheim : socius, famille, travail, couple, individu… La désillusion est le négatif de l’illusion, mais ici elle se définit par la perte d’une espérance ou la perte d’une représentation. Illusion et désillusion appartiennent à une dialectique processuelle, qui couvre la mythologie, les contes, la littérature, et la clinique que nous rencontrons dans notre pratique de psychanalyste. L’une ne va pas sans l’autre.
Anne Tirilly : Les menaces qui pèsent sur l’exercice des psychothérapies psychanalytiques m’ont donné envie de travailler sur la désillusion. On le sait, les dispositifs proposés par les pouvoirs publics contraignent de plus en plus le soin psychique et rendent toujours plus difficile l’instauration d’un cadre favorable au jeu psychanalytique créatif entre patient et thérapeute. De ce fait, ils compromettent le développement d’un processus thérapeutique transformateur. La désillusion peut mener à une meilleure prise…
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