La stérilité chez l’homme : de la souffrance objectale à la souffrance identitaire
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La stérilité chez l’homme : de la souffrance objectale à la souffrance identitaire

Introduction

La plupart des travaux sur le vécu psychologique de l’infertilité s’accordent pour mettre au premier plan la souffrance dépressive commune à l’homme et à la femme1. Bien souvent, l’annonce d’une stérilité entraîne les mêmes réactions que celle d’un deuil ou d’une maladie grave : en particulier, révolte, jalousie, culpabilité, recherche désespérée d’une cause. L’idéation suicidaire n’est pas rare comme l’altération des relations conjugales ou sociales2-4. Le chemin vers une certaine acceptation sera plus ou moins long, et de cette acceptation dépendra la manière dont sera vécu le parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP ou MAR).

La souffrance d’infertilité réactive les souffrances passées : M. Bydlowski nous dit que le projet d’une filiation individuelle induit toujours une rêverie subjective qui mobilise la mémoire inconsciente5. Selon Greil et al., le traitement de l’infertilité est autant associé à un niveau de détresse psychique que le fait d’être infertile lui-même6. La souffrance associée au parcours d’AMP (Aide Médicale à la Procréation) renforce la souffrance de l’infertilité : c’est une dynamique de circularité. Le nombre de couples abandonnant l’AMP après 3 cycles pour des raisons psychologiques n’est pas négligeable, même si le pronostic médical est encourageant7.

La souffrance de l’infertilité : considérations générales

Les recherches sur le vécu de l’infertilité sont plus souvent dédiées aux femmes qu’aux hommes8-9. La littérature indique que les femmes sont psychologiquement plus affectées que les hommes par leur infertilité. Une récente étude danoise a montré qu’il existait un risque de troubles psychiatriques plus élevé chez les femmes dont le traitement d’AMP avait échoué que chez celles pour qui il avait permis la naissance d’un enfant (10). Elles ont un score plus élevé au questionnaire évaluant le stress et la dépression.

Selon Pash et al.11, avoir un enfant est plus important chez les femmes que chez les hommes. Cette différence de perception peut affecter la communication dans le couple : les femmes ressentent un effet positif de l’infertilité sur le couple (« ça nous a rapproché ») lorsque leurs maris acceptent de parler avec elles des tentatives faites pour avoir un bébé. Mais il s’agirait plutôt d’une différence d’expression face à la question de l’échec de procréation. D’autres études se sont intéressées plus spécifiquement aux hommes infertiles. Elles nous indiquent que le sentiment d’infertilité est particulièrement anxiogène et peut être responsable de dysfonctionnement sexuel du fait du lien entre fertilité et sexualité. En effet, la moitié des hommes à qui on apprend une anomalie du sperme, présente des difficultés érectiles transitoires à l’annonce de l’infertilité12-13. De plus, il est fréquent que l’entourage du sujet ne soit pas informé, ce qui est plus rarement le cas pour l’infertilité d’origine féminine, du fait de cette confusion entre fertilité et virilité. La médicalisation de la procréation est souvent vécue comme une mise à l’écart de l’homme, qui ne se sent sollicité que pour « fournir » ses spermatozoïdes, et qui se culpabilise de ce que sa compagne doit subir, ce qui renforce la perte d’estime de soi14. Les partenaires masculins du couple qui se sentent responsables de l’infertilité du couple ont un risque plus important de souffrance sexuelle, émotionnelle et psychologique que ceux qui n’ont pas cette conviction15. Même lorsque l’annonce de leur infertilité entraîne chez certains hommes des réactions dépressives profondes et durables, ils vont avoir du mal à consulter13-14. Plusieurs études montrent qu’il y a une différence de genre dans la manière de « faire avec » l’infertilité : les hommes auront plus souvent des réactions plus inhibées et contrôlées, leur difficulté émotionnelle pourra se traduire par une hyper activité sociale et professionnelle plus que par un état dépressif franc16.

Chez les hommes, comme chez les femmes, la difficulté à parler des conséquences émotionnelles de la difficulté à avoir un bébé est un facteur prédictif d’un état de stress élevé relatif à l’infertilité16-17.

Quelques études18-19 se sont intéressées aux processus psychiques mis en place par les hommes pour faire face au traumatisme. Elles montrent chez 2/3 des sujets examinés un fonctionnement psychique « abrasé » d’où les conflits et les émotions sont exclus, signalant la dimension traumatique de l’impasse procréative et/ou de la médicalisation de la procréation.

Ce fonctionnement défensif entrave la prise de conscience et l’expression de la vie émotionnelle ; il réduit la vie fantasmatique, entraînant un mode de pensée tournée vers la dimension concrète des expériences au détriment de la vie affective. Cette attitude défensive pourra donner le change et faire croire à une bonne adaptation à la situation, voire à de l’indifférence. Elle pourra avoir un impact sur la prise en charge médicale, laissant penser que pour lui « tout va bien ». Ceci n’est pas aussi sans conséquence sur la relation de couple, la compagne pouvant avoir le sentiment d’être « la seule à souffrir ». Selon Boivin et Schmidt, cette difficulté de communication pourrait avoir une influence sur le résultat des tentatives de procréation assistée (insémination, FIV) : les femmes qui expriment une souffrance dans le couple sont celles qui auront besoin de plus de tentatives pour aboutir à une grossesse20-21.

La souffrance de la stérilité sous l’angle psychodynamique

Avant d’examiner la souffrance de la stérilité chez l’homme, rappelons en quelques mots ce qu’il en est de la femme et du couple :

Pour la femme

Ce sera une blessure narcissique et objectale : à côté de la déception de ne pas recevoir cet enfant du père désiré en secret depuis l’enfance, il y a la blessure de ne pas pouvoir, à travers une maternité, retrouver la mère perdue des débuts de la vie ; l’enfant sera toujours celui qui manque à l’appel pour venir combler tous les chagrins et toutes les blessures de la vie (Bydlowski)22. C’est la douleur de cette incomplétude qui tient la plus grande place. A cette souffrance s’ajoute celle de se sentir exclue du processus qui amène les autres femmes de leur génération à devenir mère à leur tour, après leur mère. Les femmes infertiles peuvent se sentir infantilisées, renvoyées du côté de la petite fille d’autrefois dépendantes de leur mère, ce qui réactive les conflits infantiles avec elle.

Du point de vue du couple

La « sexualité stérile », celle qui n’aboutit pas à la naissance d’un enfant, remet en cause le lien construit au moment de l’Œdipe entre sexualité et procréation : « la mise en cause de la solution œdipienne que constitue la sexualité stérile fissure le cadre psychique contenant l’identité personnelle en provoquant une grande souffrance »23, l’identité personnelle construite dans l’enfance est remise en cause : l’identité sexuelle, comme l’appartenance à la lignée.

Il faut souligner, de plus, que l’extension des possibilités offertes par les procréations médicalement assistées n’est pas sans conséquence : elle entraîne les couples et leur médecin dans une spirale d’offre de soins qui court-circuite les enjeux de la procréation naturelle, qui n’est plus dès lors interrogée. En promettant la possibilité d’une conception hors sexualité, c’est la mise à l’écart de la souffrance d’une « sexualité stérile », qui opère, empêchant l’élaboration du traumatisme, et laissant ainsi place au déni de cette souffrance.

La souffrance de l’infertilité chez l’homme : de la souffrance objectale à la souffrance identitaire

La souffrance de l’infertilité chez l’homme peut prendre plusieurs aspects :

Elle peut avoir une dimension narcissique lorsqu’elle remet en cause sa virilité, tant fécondité et virilité sont, comme nous l’avons déjà signalé, associées dans l’imaginaire commun14. Elle peut avoir une dimension objectale, être tournée vers l’autre, l’autre conjugal « faire cadeau d’un enfant à sa compagne », mais aussi vers l’autre parental « donner un petit enfant à ses parents », gage d’éternité ou cadeau réparateur des malheurs de la vie : ici, c’est la souffrance de l’infertilité d’un point de vue générationnel qui est à prendre en compte, cela pour les hommes comme pour les femmes ; elle est, selon Bydlowski, liée au non règlement de la dette de vie à l’égard des parents, à l’impossibilité de s’acquitter d’une dette trans-générationnelle24-25.

Bien que la prise en charge de l’infertilité masculine existe depuis de nombreuses années, l’annonce de la stérilité masculine reste encore difficilement avouable, en particulier au père de l’homme stérile : en effet chez l’homme, l’impossibilité à devenir père peut signifier, dans une lecture œdipienne inconsciente, la réalisation de la menace de castration redoutée dans l’enfance, issue des désirs incestueux du petit garçon pour sa mère : se débarrasser du père pour prendre sa place auprès de la mère ; dans le cas de l’Œdipe inversé, ce sera la question du désir homosexuel pour le père qui occupera la scène inconsciente.

Cette souffrance peut avoir aussi une dimension identitaire que la proposition de don de gamète, lorsque la stérilité est définitive, ne saurait apaiser si elle survient trop tôt. Cette proposition pourra même être paradoxalement responsable du blocage du deuil de la fertilité.

Deux cas cliniques vont éclairer ces aspects de la souffrance de la stérilité. Le choix de présenter des situations différentes -stérilité partielle et stérilité totale- est volontaire, visant à montrer que la souffrance due à la stérilité primaire, partielle, n’est pas moindre que celle liée à la stérilité définitive, même si, dans le cas de la stérilité définitive, s’ajoute le deuil à faire d’une filiation génétique. En effet les fantasmes et angoisses réactivées sont pour une bonne part semblables, découlant des vicissitudes du développement psychoaffectif de l’enfant d’autrefois que ces hommes ont été.

Présentation de deux cas cliniques

Nous avons effectué des entretiens approfondis selon la méthode psychanalytique : la libre association, la prise en compte des mouvements du discours et des mouvements transférentiels. Cette méthode issue de la théorie psychanalytique est à la fois un outil thérapeutique et de recherche. Cette approche se situe dans la perspective du conflit œdipien.

Bertrand : la dette en souffrance

Pour Bertrand, l’annonce de son infertilité a été une catastrophe qu’il compare à une maladie grave, le cancer, alors même que la possibilité d’avoir recours à une ICSI (injection intra-cytoplasmique d’un spermatozoïde préalablement sélectionné dans un ovocyte) est offerte au couple. Il s’est senti très déprimé et se remet très doucement : « je ne sais pas comment je me sortirai de tout ça. Je suis encore sur le, comment dire, je suis encore dans la digestion et je ne sais pas si cette digestion est en train de passer doucement, donc je ne suis absolument pas à penser à demain, il faut déjà que je puisse mener à bien ce que je suis en train de faire (accepter son infertilité) jusqu’à demain ».

Son histoire est singulière : né sous X, il est le fils adoptif d’un couple ayant eu recours à l’adoption du fait de la stérilité du mari. La relation de ce dernier avec son propre père a été totalement rompue depuis la séparation par divorce du couple parental lorsque le père de Bertrand était enfant ; il ne voit plus non plus sa mère. En ce qui concerne le père de Bertrand, la rupture de filiation est totale.

Abandonné par son propre père, le père de Bertrand a eu du mal à assumer son rôle de père, c’est plutôt un copain, père et fils sont collés dans une relation fusionnelle qui évite tout conflit : « on s’est soudé avec mon père dont l’éducation était une éducation de père à fils mais pas classique … une relation où on se serrait les coudes et on faisait attention l’un à l’autre pour diverses raisons… une relation très très tendre parce que son propre papa a disparu très vite, enfin il est parti et euh… à fils unique attendu euh… désiré, donc la neuvième merveille du monde. Il n’avait aucune autorité et je crains de développer ça sur mes propres enfants, c’est à dire, avoir un regard très très complaisant, afin d’éviter le conflit, ce qui n’est pas la meilleure des choses surtout avec des enfants… ». Lorsque Bertrand fugue à l’adolescence, son père ne le grondera pas, ne lui dira rien, lorsque jeune homme il disparaît sans laisser d’adresse pendant plusieurs mois, il ne cherche pas à le contacter, « ne s’en fait pas plus que ça », alors que Bertrand vit, en fait, non loin de ses parents. Bertrand en souffrira, « cela aurait été facile de me retrouver … » dit cet ancien enfant déjà abandonné une première fois avant d’être adopté.

Commentaire :

Du fait de la fragilisation du lien symbolique de filiation, celui qui relie mais aussi différencie (on est fils de, frère de, mais on n’est pas son père ou son frère), pour Bertrand c’est la dimension imaginaire de ce lien, qui va prendre le devant de la scène : celle de la répétition du même. Dans une identification narcissique inconsciente à son père, il sera stérile, comme lui.

Comme d’autres hommes infertiles, avec sa stérilité, il évite de régler sa dette de vie à l’égard de ce père adoptif ; et c’est de cela dont il souffre : de ne pas pouvoir lui donner un petit enfant, de ne pas pouvoir relancer le fil générationnel endommagé par les ruptures de filiation, à son niveau et au niveau de son père.

Ainsi Bertrand porte la blessure narcissique de son père adoptif (avoir été abandonné par son père, être stérile) et ne peut que se vouer à le protéger en évitant le « travail de meurtre du père » qu’implique toute nouvelle paternité : tuer symboliquement son père pour devenir père à son tour. Il est un étai du père et cumule les noms sans pouvoir s’en approprier un seul.

Il lui faudra du temps pour accepter et donner suite à la proposition d’ICSI qui est faite au couple. Si le résultat est positif, il devra assumer la possibilité de devenir père à son tour et de tuer symboliquement son propre père, s’il est négatif il ne pourra s’acquitter de sa « dette de vie » à son égard.

George : le vacillement identitaire

C’est un homme terrassé par l’annonce de sa stérilité qui se présente en consultation. Il est le plus jeune fils d’une fratrie de quatre enfants. Les parents sont idéalisés, le père en particulier, véritable Pater Familias, à qui il a toujours désiré ressembler. Cette idéalisation cache une rivalité œdipienne conflictuelle et une opposition au modèle familial qui s’exprimera à travers un parcours scolaire plutôt chaotique, des études supérieures inabouties, alors que les frères ont fait un parcours « sans faute » et de hautes études ; il fait un choix professionnel qui n’est pas à la hauteur des attentes familiales. Il ne se sent pas tout à fait homme, toujours adolescent ; il s’est toujours dit qu’il deviendrait un homme le jour où il serait père.

L’annonce de sa stérilité, est un choc terrible qui ne s’est pas adouci après plusieurs mois écoulés et la perspective d’une paternité par don de gamète.

Ce sont ses repères identitaires qui sont ébranlés : être homme/être femme, faire partie de la communauté des pères, être mari de, être père de famille.

S’il n’est pas père, pourra-t-il être un homme ? Il ne fera jamais partie, avec son père et ses frères de la communauté des pères, de la communauté des hommes, il sera dans un entre deux inacceptable « le tonton qui n’a pas d’enfant », éternel adolescent. Il ne saurait accepter d’être père par don, car cet enfant lui rappellera toujours sa stérilité, à lui-même comme aux autres. Cet enfant, il ne sait pas s’il pourra l’aimer, s’investir comme père, occuper cette place de père de famille, tant cet enfant lui rappellera son exclusion du monde des Hommes/Pères. Et en même temps, il ne peut refuser car il est persuadé qu’il y perdrait sa femme, et avec elle, cet autre appui identitaire : être « mari de ». Le temps qui lui serait nécessaire pour, peut-être, faire son deuil, il ne l’a pas du fait de l’âge de sa femme qui nécessite au contraire d’accélérer le processus de don.

Sa souffrance est extrême, il ne peut en parler à personne, il ne peut trouver de consolation auprès de ses proches, car en parler revient à rendre la réalité de sa stérilité concrète, tangible. Pour le moment il laisse le temps passer, sans rien dire de ses doutes, en laissant faire les choses, en attendant un apaisement qui ne vient pas, accroché à l’espoir, pourtant bien faible de devenir père naturellement.

Discussion

Pour George, à côté de la blessure narcissique castratrice (la stérilité équivaut à la réalisation réelle, dans son corps, de l’angoisse de castration imaginaire issue du complexe d’Œdipe), c’est la dimension identitaire de la souffrance de stérilité qui s’exprime : « qui suis-je homme ou femme, adulte ou éternel adolescent ? Quelle place ai-je dans ma filiation ? » Questionne-t-il douloureusement.

Le projet de don semble, pour le moment, venir figer le processus d’élaboration, et peut-être de sublimation, de la perte par une réponse qui vient trop tôt. Même si son souhait est de fonder une famille, appui identitaire important pour lui, sa crainte est grande de ne pouvoir investir l’enfant qui naîtrait d’un don comme étant le sien. Il craint de le rejeter, tant il viendrait lui rappeler le traumatisme, qu’il pense irréparable, de sa stérilité. Il a cependant pu reprendre le dialogue avec sa femme, dialogue jusque là interrompu, et sortir de son repli à l’égard de sa famille.

Prise en charge de la souffrance de la stérilité

Ces deux cas cliniques où la souffrance psychique d’hommes confrontés à l’incapacité partielle ou totale à procréer s’exprime ouvertement, sont plutôt exceptionnels quant à l’expression de cette souffrance. Les demandes de consultations psychologiques vont venir principalement des femmes ; si les hommes souffrent, ils n’en disent rien et consultent rarement9. Ils viendront toutefois plus souvent en couple (dans notre consultation, 1 consultation / 6), ce qui témoignera d’une demande d’aide qu’ils ne peuvent pas exprimer directement pour eux-mêmes.

Nous avons évoqué le type particulier de défense que ces hommes mettent très fréquemment en place pour lutter contre le profond désarroi qu’ils éprouvent et contre les angoisses réactivées par les blessures psychologiques, qu’elles soient narcissiques, castratrices, ou identitaires. Elles consistent en une répression des affects, un déni ou une banalisation de cette souffrance au profit de la considération de celle de leur compagne. On assiste souvent à un refus de parler de ce qu’ils vivent à leur femme, aux proches et comme aux amis. Nous avons vu que ce mode de défense, proche du fonctionnement psychosomatique, s’il les protège partiellement, a tendance à figer le travail d’élaboration des blessures de l’infertilité, et parfois du deuil à faire de sa capacité procréatrice, qui permettrait un réel dégagement, une véritable sublimation.

La prise en charge est donc difficile car comment encourager ces hommes à ouvrir les blessures dont ils se protègent si radicalement ? Lorsque qu’ils en acceptent le risque un véritable travail d’élaboration peut se faire. Nous soulignons comme d’autres auteurs26 l’intérêt de ces entretiens psychothérapiques, ici psychanalytiques, dans le champ somatique. Nos propres recherches sur l’infertilité masculine en sont un exemple, parmi d’autres. Sur un petit nombre de sujet30, l’étude a montré comment la mise en récit de l’histoire personnelle et du vécu de l’infertilité a augmenté les chances d’un résultat positif de l’ICSI. On peut penser que l’ouverture de la parole dans les entretiens a favorisé les échanges dans le couple (18). Nous avons vu l’impact que cela peut avoir sur le résultat des traitements (Boivin et Smith 2005).

Parfois, ils ne pourront accepter qu’un travail en couple qui, s’il limite la possibilité d’une élaboration individuelle des conflits anciens réactivés, permet toutefois une reprise du dialogue dans le couple et une re-narcissisation à travers l’équilibre affectif retrouvé au sein de leur couple27.

Conclusion

Pour conclure, on pourrait dire qu’il est crucial que les acteurs de la procréation assistée puissent se laisser toucher, sensibiliser, par les enjeux chaque fois singuliers du projet de procréation, et de ses impasses, pour que le temps d’une élaboration créatrice de nouvelles voies sublimatoires puisse s’ouvrir et que l’enfant à venir ne porte pas le poids d’un deuil non élaboré. Ne pas se laisser abuser par cette apparente absence de difficulté, tenter de mettre en mots ce que l’empathie permet de percevoir malgré l’écran du silence, peut permettre l’ouverture d’un espace de parole et parfois la mise en route d’un travail psychothérapique.

Bibliographie

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27 Jaoul M., Molina Gomes D, Albert M., Bailly M., Bergere M., Selva J. : « Prise en charge psychologique des échecs de procréation, au masculin ». Gyn Obst et fertil 2009, 37 : 921-27.