À partir de mon expérience de la clinique du traumatisme extrême, je propose d’apporter quelques nuances à la notion de présence. En effet, cette clinique impose d’entendre un autre registre que la seule conflictualité psychique : elle confronte dès la rencontre le clinicien à un vécu de détresse singulière qui peut s’avérer tout à fait différente de la souffrance névrotique (Tovmassian, 2014, 2018, 2019). Dès lors que nous ne sommes plus seulement dans le registre du refoulé et du psychosexuel, le thérapeute est à même d’adopter une forme de présence spécifique, tendre, visant à transformer la détresse.
L’importance de l'environnement dans la majoration ou l'apaisement du vécu traumatique
L’effraction traumatique peut déclencher,chez la personne concernée, une économie et une dynamique de survie au détriment de l’économie libidinale. Elle conduit alors à une prévalence des mécanismes auto-conservatifs et du fonctionnement vital sur la sexualité psychique. Les stratégies défensives de survie, telles que l’évitement des lieux ou des personnes rappelant l’agression, ainsi que l’hypervigilance, ou encore les symptômes de reviviscence à l’identique du traumatisme, en témoignent. Outre l’effraction et son aspect économique de débordement, une autre dimension dynamique est aussi en jeu dans le vécu traumatique dans la mesure où la fonction symbolisante de l’objet est souvent mise à mal. Sándor Ferenczi (1932) a bien souligné combien le défaut d’un environnement capable d’accueillir et de reconnaître cette détresse était susceptible de majorer le traumatisme, dans la clinique de l’inceste, comme dans toute autre situation traumatique extrême.
Les dynamiques transférentielles et contre-transférentielles – les miennes comme celles de collègues en supervision – amènent à proposer l’idée que la tendresse d’un autre proche, ou de l’autre secourable est recherchée dans de telles configurations cliniques.…