Lorsque Facebook est sorti en France en 2008, nous avions l’âge d’être étudiants. Un vent de jubilation soufflait alors sur les campus. Grisant et prometteur, le réseau de Mark Zuckerberg étendait l’université bien au-delà de ses murs. Les sorties s’organisaient en un clic, la notoriété se mesurait en likes et la vie amoureuse trouvait une nouvelle façon de s’écrire : « it’s complicated ».
Vingt ans plus tard, les motifs d’optimisme ont disparu. Alors que le procès de Samuel Paty s’est ouvert pour entendre plusieurs individus accusés d’avoir concouru, via les réseaux sociaux, à son tragique assassinat, sept familles assignent en justice le réseau social TikTok et son algorithme pour la promotion de comportements autodestructeurs, qu’ils considèrent à l’origine des scarifications, voire du suicide de leurs enfants. Enfin, début novembre, un documentaire réalisé par la journaliste Elsa Guiol, La fabrique du mensonge, incriminait le rôle déterminant des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle (IA) dans la manipulation des élections américaines.
Comme l’ont montré les travaux de Gérald Bronner, en analysant et en orientant les comportements numériques, l’algorithme capte l’attention des utilisateurs en leur proposant des contenus ciblés et radicalisés qui agissent de façon semblable à une boucle de gratification immédiate, mais souvent vide de sens. Mus par la monétisation des contenus par les plateformes, les influenceurs (quel signifiant !) incitent alors à suivre des vidéos de chatons dénuées d’intérêt qui abaissent notre vigilance pour nous vendre toujours davantage de produits et de scénarios standardisés ou polariser nos convictions. Inutile de questionner la signification de ces contenus, ce sont juste des « trends ». L’imitation l’emporte sur la créativité, l’image et l’immédiateté sur le temps de l’élaboration, la visibilité sur l’échange et le plaisir auto-érotique sur le lien à l’autre. Les plus…
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