L’art et l’enfant
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L’art et l’enfant

L’art et l’enfant.
Chefs-d'œuvre de la peinture française
Musée Marmottan Monet, Paris.

L’art et l’enfant dans la peinture française en une seule exposition, c’est une gageure ! Evidemment l’accrochage ne peut réellement développer une thématique aussi vaste et intéressante, et manque de moyens pour répondre à son ambition. On est frappé par la grande diversité des enfants représentés qui correspondent à des aspects multiples de l’enfance, mais cela manque d’une problématique d’ensemble. Il y a des peintres connus et moins connus, et les tableaux ne sont pas tous des chefs-d'œuvre comme l’annonce le titre assez racoleur.

On y voit néanmoins de très belles toiles. Beaucoup d’enfants bien sûr, mais aussi de très jolies mamans. Le 18ème et le 19ème siècles sont les mieux représentés. Pour ces périodes, la plupart des peintres donnent une image idéalisée de l’enfant et la famille. Cette idéalisation est en contradiction avec le texte très intéressant de l’historien Jacques Gelis (catalogue), qui rapporte la mortalité infantile, la mise en nourrice et les conditions de vie difficiles des enfants malgré l’importance qui leur était accordée du fait qu’il fallait absolument assurer sa descendance.

Quelques œuvres cependant donnent une autre image de l’enfance, plus douloureuse, mais elles sont isolées, et insuffisantes pour aborder un thème à peine évoqué qui mériterait pourtant un développement : l’enfant mort, l’enfant pauvre, l’enfant au travail, l’enfant à la guerre, l’enfant puni.

Pour le 20ème siècle, l’exposition prend un raccourci trop rapide, faute d’œuvres pour démontrer son idée pourtant très pertinente : la modification radicale du statut de l’enfant dans la société et l’intérêt des artistes pour le dessin de l’enfant. Dès lors, l’enfant n’est plus seulement un sujet à représenter, mais on va s’intéresser à ses propres productions. Il devient source de créativité.

L’intérêt grandissant pour l’enfant dans l’art du 20ème siècle ne peut se limiter à des œuvres françaises. En effet, comment parler de l’art et l’enfant sans Paul Klee ? Le Bauhaus et le mouvement Cobra ?  Qui se sont intéressés aux dessins des enfants comme de véritables réalisations artistiques, source d’inspiration pour les peintres.

Peut-être faudrait-il commencer d’ailleurs par la dernière toile de l’exposition, L’enfant et le peintre de Picasso, qui, avec son génie habituel, condense en un seul tableau tous les enjeux du thème. L’enfant qui tient des pinceaux comme le peintre. Le peintre proche de l’enfant, dont l’œuvre est issue de l’art enfantin. On rappellera ici la fameuse phrase de Picasso : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël. Mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme eux ».

Dans cet ensemble, il y a des visages d’enfants qui nous accrochent. Ceux-là évoquent autre chose, le mystère de l’enfance, une interrogation profonde, l’espoir et l’inquiétude, l’attente si caractéristique de l’enfance.

Que voit le jeune garçon au toton (L’enfant au Toton) de Chardin ? A quoi pense-t-il ? Et les petits princes de Philippe de Champaigne ? On est séduit par l’incroyable charme des jeunes filles de Renoir. Le merveilleux Enfant au pâté de sable de Bonnard. Une étonnante petite tête de Julie Manet, bébé, par Manet. Ou encore le portrait de son fils par Cézanne. Ceux-là sont de vrais chefs-d’œuvre. Les portraits de Pierre et Marguerite, les enfants de Matisse, dont les visages réduits à quelques traits, au regard profond et énigmatique, rendent bien compte de ce que disait l’artiste : « Il faut regarder toute la vie avec des yeux d’enfant. »

Simone Korff-Sausse
Psychanalyste, SPP