Samuel a quelques semaines quand ses parents sollicitent la consultation dans une forme d’urgence devant les difficultés d’allaitement qu’ils rencontrent. La naissance a provoqué une bascule de l’économie conjugale, bousculant les identités narcissiques profondes de chacun. Ce bébé arrivé « trop vite » vient contrarier tout un plan pré-organisé. Du fait de son effondrement à l’arrivée de Samuel, la mère s’est trouvée privée des premiers contacts avec son nourrisson. Les parents se disputent maintenant la place maternelle primaire. La mère se présente sur un registre phallique en dépit de sa fragilité narcissique, une mère courage, idéale, qui fait un procès clinique au père. Ce dernier déploie subtilement ses attaques sadiques à l’égard de mère et bébé, affichant un sourire mordant et légèrement discordant. Alors qu’il avait pu profiter d’une position féminine dans les tout premiers liens du fait de l’écroulement maternel à la naissance, la mère allaite désormais avec acharnement pour le priver du biberon. Ne pouvant ni se représenter sa propre jouissance féminine, ni que la tétée est interminable, le père, incapable de poser une limite, est passé sans transition d’une position maternelle à une rivalité sans frein avec le bébé.
Ce premier temps de la consultation est marqué par un jeu sado-masochiste subtil autour de Samuel qu’ils tiennent à distance de mon regard. Devant cette situation d’impasse potentielle, je me recentre sur le bébé, ouvrant un espace qui leur permet alors de parler de leurs disputes, objet tenu secret mais essentiel de leur venue ; elles prennent la forme d’une décharge pulsionnelle en lieu et place de la sexualité. Se dévoile alors une scène de ménage (Anzieu, 1986) qui fait suite à la rupture d’avec l’illusion gémellaire, où ils étaient imaginairement reliés par le fantasme d’une peau commune, coupé des exigences et…
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