Ces trente dernières années, l’amplification de la visibilité des violences sexuelles sur mineurs dans tous les milieux (scolaire, religieux, sportif, familial, etc.) a rejoint la littérature scientifique qui a révélé un large problème de santé publique concernant 19,7 % des femmes, 8,8 % des hommes avant 18 ans (Stoltenborgh, 2011), et jusqu’à 70 % des populations cliniques, notamment dans le trouble borderline (Zanarini, 1997 ; Corcos, 2013). L’agresseur désigné fait partie de l’environnement proche des mineurs dans 70 % des cas, et plus la révélation est tardive, plus les symptômes traumatiques et la détresse sont intenses. Mais l’argument d’une visibilité sociale, bien que modifiant profondément les représentations collectives, ne saurait suffire pour raisonner au plan individuel, alors même qu’il en détermine une partie du raisonnement clinique et des contre-attitudes transférentielles. La pratique de la psychiatrie adolescente prescrit au clinicien un positionnement complexe à l’interface entre patient, parents et société, intégrant trois niveaux de raisonnement, en se basant sur les éléments provenant de la réalité interne (notamment le chemin subjectif individuel, l’économie psychique du patient ainsi que son système défensif) en dialectique avec ceux de la réalité externe du patient telle que rapportée par lui et par son entourage – famille, enseignants, éducateurs, etc. – (Jeammet, 1980). Dans le cas des violences sexuelles, la difficulté de cette intégration est majorée et s’appuie sur une compréhension psychopathologique précise.
De l’hystérie au trauma complexe
La visibilité inédite de ces violences paraît être le fruit de plusieurs évolutions majeures, dont l’accès des mineurs au statut de sujet de droit selon la Convention de Genève (1959) et à la subjectivation psychopathologique (Kestemberg, 1962). La transformation du statut de victime a basculé au cours du xxe siècle de la névrose de guerre à l’expérience de la Shoah, passant…
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