Le psychodrame individuel en groupe
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Le psychodrame individuel en groupe

1 – Le cadre

C’est à partir de notre expérience du psychodrame analytique individuel que nous avons aménagé un nouveau cadre : 4 patients, 2 à 4 thérapeutes acteurs et un meneur de jeu. Tout ce qui vient à l’esprit du patient peut être pris comme une proposition de scène. Chaque patient propose une scène et choisit pour jouer tout aussi bien un thérapeute ou un autre patient. Le meneur de jeu ne joue jamais, c’est lui qui suspend à un moment judicieux le déroulement de la scène et peut interpréter le jeu dans l’ici et maintenant par rapport à l’histoire du patient, du transfert et des résistances au processus de la cure psychodramatique. Par rebondissements associatifs entre les patients le psychodrame en groupe peut comporter au moins 4 scènes. Le meneur de jeu fait des interprétations individuelles et groupales. Il laisse un temps après le jeu afin que la parole circule entre les patients à propos de leur vécu au cours de la séance. C’est le meneur de jeu qui met fin à la séance. Le psychodrame en groupe est un psychodrame individuel en groupe. Ce cadre est utilisé aussi bien en institution (Centre Jean Favreau, ETAP) qu’en libéral.

2 – Indications

Les meilleures indications concernent les patients qui gardent à l’intérieur d’eux-mêmes la plus grande partie de leur destructivité sans qu’ils puissent la projeter à l’extérieur. Ces patients peuvent cependant engager une relation libidinale socialisée avec les autres patients. Ainsi ils bénéficient de liaisons par la libido issue des deux groupes, celui des thérapeutes et celui des patients.

3 – Le groupe des thérapeutes

La cohésion d’un groupe amicalement et confraternellement lié, ayant plaisir à travailler ensemble, permet un apport libidinal sublimé quant au but, grâce auquel la destructivité peut être partiellement liée aux pulsions de vie en passant par le transfert sur le meneur de jeu.

La fonction fondamentale du groupe, selon Didier Anzieu (1981) est d’être avant tout “un lieu de dépôt, un réceptacle accueillant et non réagissant”. C’est ce processus de dépôt qui libère chez les thérapeutes et chez les patients, la capacité de fantasmer, la créativité et le désir épistémophilique. De ce point de vue, le psychodrame en groupe serait d’abord un cadre de survie psychique puis un site de croissance.

4 – Le groupe des patients

Ce groupe sert de support identificatoire. Un patient crée plus facilement un transfert latéral sur un autre patient, plus proche de lui-même. Ce nouveau lien libidinal et narcissique est à respecter le temps qu’il faut. De même, se laisser gagner par le jeu d’un autre, crée une distance qui abaisse les résistances. Ce groupe développe la capacité d’être thérapeute pour un autre. Le groupe de patients stimule la capacité à fantasmer et joue un rôle dans le remaniement des objets fantasmatiques et des objets internes pour chacun des membres du groupe. Il fournit un espace privilégié pour remodeler et reconstruire des objets représentables différents de ceux qui les habitaient ou les persécutaient. Toutes les inclusions inconscientes de parts de l’objet qui ont échoué à être subjectivement appropriées, tous les restes traumatiques, tous ces ratés de la symbolisation primaire, ne peuvent être produits au cours des jeux auto-subjectifs. Il est nécessaire d’abord d’offrir à ces patients un espace de jeu intersubjectif.

5 – Le meneur de jeu, les deux groupes, les deux écoutes

L’originalité du psychodrame en groupe consiste dans la possibilité de faire des interprétations groupales et individuelles.

Il est indispensable que le meneur de jeu ait une double écoute analytique : individuelle et groupale. Il devra également tenir compte de la dynamique de l’interaction psychique qui est en train de se produire entre les patients.

– L’interprétation groupale

Quand le transfert sur le cadre est trop négatif, l’enveloppe psychique groupale se fissure et chaque individu se désorganise. Le transfert sur l’analyste ne suffit pas à y remédier pour poursuivre et soutenir le processus thérapeutique. Il est indispensable de restaurer cette enveloppe. Deux moyens sont à notre disposition dans un psychodrame en groupe :

– Dans le jeu, quand les acteurs jouent le rôle d’un patient et mettent en scène leurs conflic-tualisations ou les attaques qu’ils opèrent contre le cadre (le non paiement d’une séance, une absence, une transgression quand deux patients cherchent à se rencontrer à l’extérieur), le jeu est un attracteur de symbolisation. Toute attaque d’un patient à l’encontre d’un autre patient est l’équivalent d’une attaque du cadre. Il est l’indice d’un transfert trop négatif sur le cadre, le groupe est vécu comme un mauvais objet persécuteur et destructeur.

– Après le jeu, quand le meneur fait une interprétation groupale destinée à rétablir le cadre, à lever les résistances du groupe des patients ou quand il y a imminence de rupture d’un patient ou des retards répétés, le groupe est morcelé en autant d’individus qui le composent, l’interprétation permet de réhabiliter le groupe en restaurant son enveloppe et permet à chaque membre le constituant de poursuivre sa croissance psychique.

Par exemple : un silence pesant s’instaure de façon répétitive en début de chaque séance et bloque les associations de chaque patient. C’est alors que le meneur de jeu, s’adressant au groupe de patients, interprète la résistance par le silence comme une protection par rapport au groupe des thérapeutes vécus comme une imago surmoïque et persécutrice. C’est après cette interprétation groupale que la résistance a cédé.

– L’interprétation individuelle

Elle est d’abord dans le jeu par le thérapeute acteur quand il révèle le jeu latent caché derrière le manifeste, quand il transpose subitement la scène dans l’infantile ou quand, en position de double, il interprète les défenses ou les désirs inconscients.

Après le jeu, le meneur de jeu peut interpréter dans l’ici et le maintenant du transfert, relier la scène présente à des jeux de séances antérieures et relancer les associations du patient.

L’interprétation individuelle s’adresse à un patient du groupe, mais elle a des effets de résonance, tout comme le jeu interprétatif, sur tous les autres patients du groupe. C’est là toute la richesse recherchée du psychodrame individuel en groupe.