Quand je pense à la question de la présence en analyse, je pense aux corps : au mien d’abord et à celui de mes patients ensuite. Plus que leur visage et leurs traits, qui à distance du temps et des corps, deviennent plus vaporeux, c’est leur allure, leur forme, l’impression de leurs corps qui s’impriment. Bien avant cela, quelque chose commence à se dessiner de ce corps, par sa voix. La voix du téléphone, déformée par les ondes d’abord et qui viendra s’incarner par la suite. La tonalité, la tessiture, la texture même de la voix, raconte déjà beaucoup des hauteurs perchées ou des graves vibrants dans lesquels chacun a choisi de se replier ou de s’exposer. Il y a des voix désarrimées, sans corps – et ceci bien au-delà de la psychose – qui disent le refus ou la difficulté de compagnonnage avec celui-ci, comme une mue refusée vers la chair et le sexuel. Des voix percussives qui halètent, saccadent, bégaient, hachant l’écoute et tranchant l’oreille… des voix qui caressent, des voix qui geignent à chaque sortie de consonnes traînantes. Mais il y est aussi des voix muettes, blanches, qui produisent un silence bruyant sur la vie du corps et de ses sécrétions, d’autres au contraire qui font un silence de mort comme si personne ne les habitait… bref, il y a des voix qui sont autant de signatures vocales. L’empreinte subjective est bien là. Notre premier instrument de la présence est sur la table : le corps et sa voix que nous allons ensuite décliner en autant d’organes que de fonctions, de l’oreille, à l’œil, en passant par le nez. Tout ce registre sensoriel vient participer sans que nous y prêtions attention, à notre écoute comme à notre présence analytique, autant qu’à la constitution de représentations vivantes,…
Dossier
Le rythme des corps en présence
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