Depuis une vingtaine d’années, une partie de mes recherches cliniques sur la psychopathologie du lien et de la vie amoureuse porte sur une population de jeunes adultes souffrant d’addictions sexuelles. Isolement paradoxal, désocialisation, difficulté à se lier amoureusement ou à s’engager dans un couple, prises de risques du côté de la santé sexuelle, envahissement de la place des compulsions sexuelles dans l’emploi du temps… nombreux sont les motifs d’une demande de soin et d’accompagnement. À partir de cette clinique qui interroge la frontière entre le vif et le mort, le plaisir et la souffrance, l’humain et la machine automatique, j’en suis venu à questionner les liens possibles entre l’addiction sexuelle et le paradigme psychanalytique de la perversion. Afin d’aborder ce sujet d’étude, il importe de confronter aux éléments de la clinique contemporaine l’évolution du concept de perversion dans la métapsychologie.
Métapsychologie de la perversion
En matière de perversion, les définitions deviennent rapidement caduques. Pour exemple, le Vocabulaire de la psychanalyse, (Laplanche et Pontalis, 1967) définit la perversion comme une « déviation par rapport à l’acte sexuel « normal ». Ici le coït vise à obtenir l’orgasme par pénétration génitale, avec une personne du sexe opposé. En 1973, Masud Khan notait : « Il y a ceux qui font l’amour parce qu’ils en éprouvent le désir et ceux qui le font parce qu’ils en ont ainsi décidé : ce sont les pervers. » (p. 195) Dans cette définition, l’intention délibérée, l’exercice du pouvoir et de la volonté sur l’excitation sexuelle marquent le territoire de la perversion. Si être séduit, être excité par l’autre annonce la définition de la passivité telle que l’entend la psychanalyse, la proposition de Masud Khan donne à concevoir une position perverse adossée à un narcissisme volontaire et radical ne voulant…
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