Les exceptions au principe du secret professionnel
Les psychiatres sont souvent confrontés à des dilemmes cornéliens qui les obligent à mesurer les risques professionnels qu’ils peuvent encourir en cas de révélations d’éléments couverts normalement par le secret professionnel. Par exemple, que doit faire le praticien à qui un patient mineur déclare être victime de violences sexuelles ? Ou, plus généralement, que doit faire le médecin qui a connaissance d’un crime ou d’un délit ? La marge de manoeuvre des professionnels du domaine médical étant très étroite, la loi prévoit certains cas dans lesquels il leur est possible de déroger au principe du secret professionnel. Le but de cette étude n’est pas de toutes les énumérer, mais simplement d’en exprimer les principales.
1) La protection des personnes vulnérables
Aux termes de l’article 226-14 du Code pénal l’obligation de confidentialité à la charge des médecins n’est pas applicable « à celui qui informe les autorités judiciaire, médicale ou administrative de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger de son âge ou de son état physique ou psychique » .
Cette exception légale au principe du secret professionnel est particulièrement importante pour les psychiatres. Qui plus que ces praticiens rencontre quotidiennement des patients que l’on peut qualifier de « vulnérables » ? En pratique l’attitude à adopter par le médecin n’est cependant pas évidente pour autant. Son choix, d’informer ou non, est principalement dicté par une analyse professionnelle et il doit donc agir en fonction de sa propre appréciation. Il faut néanmoins noter que lorsque le praticien s’abstient de toute révélation, il ne peut pas être poursuivi devant les juridictions pénales. En effet, l’obligation de dénonciation supportée par les personnes qui ont connaissance d’un délit ou d’un crime ne concerne pas les professionnels tenus par le secret professionnel.
2) L’accord de la victime
Le même article du Code pénal précise également que la dérogation s’applique : « -au médecin qui avec l’accord de la victime porte à la connaissance du Procureur de la République les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature auraient été commises . » Les psychiatres ont donc la possibilité de saisir directement le Procureur de la République lorsqu’ils ont connaissance de violences sexuelles et qu’ils ont obtenu l’accord de la victime de ces sévices.
Le psychiatre et la notion de « non-assistance à personne en danger »
La situation des psychiatres est particulièrement complexe puisqu’ils ne peuvent à contrario pas se retrancher derrière le refus du patient de se soigner ou d’être hospitalisé pour s’exonérer de toute responsabilité. Celle-ci peut, en effet, aussi être engagée en cas d’abstention de leur part si l’on démontre une attitude passive critiquable de leur part pouvant être assimilée à de la « non assistance à personne en danger ». Le patient doit en effet être protégé contre lui-même.
Pour être constitutif d’un délit de non-assistance à personne en danger, la situation doit réunir trois éléments :
– l’existence d’un péril : le cas le plus courant en matière psychiatrique est bien entendu le risque suicidaire dont la prévisibilité doit être établie.
– une possibilité d’assistance : ce peut être par exemple la possibilité de traiter la personne en péril. En revanche, le fait de mettre en garde la famille est plus difficile à retenir car le médecin est également tenu par les règles du secret professionnel.
– un refus injustifié d’agir.
Le délit de non-assistance à personne en danger, à savoir le fait de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui être apportée, est sanctionné par le Code pénal de 5 ans d’emprisonnement et de 500.000 francs d’amende.
S’il est vrai que jusqu’à présent aucun psychiatre n’a été condamné sur le fondement de la non-assistance à personne en danger, la judiciarisation sans cesse croissante de notre société et plus particulièrement des rapports patients-médecins doit entraîner une vigilance particulière sur ce point.