Comment prendre des notes cliniques dans les psychothérapies psychanalytiques ?
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Comment prendre des notes cliniques dans les psychothérapies psychanalytiques ?

Les notes agissent comme des compagnons silencieux du travail psychothérapeutique. Elles témoignent du labeur effectué ou rappellent par leur absence les traversées du désert, les absences, les effacements ou les oublis. Elles attestent parfois d’un “c’était déjà là” lorsque elles sont relues plusieurs mois plus tard. Pourtant, il existe peu de textes qui traitent des notes psychothérapeutiques, alors que la notation est une part du travail clinique. Ce texte tente de combler ce manque en rappelant tout d’abord l’importance des notes dans le domaine de la psychothérapie. Un format de note est ensuite proposé à partir de la spécificité de la situation psychodynamique.

L’importance des notes cliniques

Les notes cliniques sont importantes dans le domaine de la psychothérapie parce qu’elles documentent le travail effectué. La note est un document qui contient des informations structurées de façon à être utilisées facilement par le clinicien ou d’autres professionnels. Les notes permettent au clinicien de se représenter le travail effectué. Elles facilitent la communication avec les autres professionnels. Leur fonction est double. Elle est tout d’abord de conserver une trace du travail effectué par le clinicien. Il est alors soit une mémoire soit une preuve. La note sert également à communiquer une information. Elle est alors un support de formation et de recherche.

Historiquement, les cliniciens disposent d’un format de notes structuré depuis une cinquantaine d’années. Laurence Weed (1964) a proposé le format S.O.A.P. afin d’augmenter la contintuité des soins pour les patients. Les notes S.O.A.P. permettent de classer, d’identifier et de hiérarchiser par ordre de priorité les problèmes du patient, de formuler des hypothèses et un plan de traitement. Initialement conçu pour faciliter le travail des médecins hospitaliers, les notes S.O.A.P. ont été adoptées par d’autres professionnels comme les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les psychologues.

L’acronyme S.O.A.P. signifie Subjectif, Objectif, Analyse, Plan. Le clinicien note dans la section Subjectif l’expérience subjective du patient, son point de vue personnel. Cette section comporte ce que le patient dit, pense et éprouve. La section Objectif contient ce que les cliniciens observent. Cette section peut renvoyer aux habits du patient, à sa posture ou à tout ce qui peut être observé par le clinicien. La section Analyse synthétise les sections Subjectif et Objectif. Cette section comporte l’analyse ou l’interprétation du clinicien. C’est le moment ou le clinicien fait des hypothèses et conceptualise les problèmes du patient. La section Plan est la dernière section. Le clinicien note ce qu’il est prévu de faire au cours des rendez-vous du patient.

Le but des notes S.O.A.P. est multiple : améliorer la qualité et la continuité du traitement ; faciliter la communication entre les professionnels ; faciliter la mémoire des détails de chaque situation ; permettre une évaluation continue des progrès du patient et du traitement.

Pour Cameron et Turtle-Song, les notes S.O.A.P. ont pour but d’augmenter la qualité et la continuité des services rendus au patient, d’aider les cliniciens à se rappeler des détails des prises en charge. Elles permettent d’aider les cliniciens à identifier, classer par ordre de priorité et suivre l’évolution des problèmes du patient. Enfin, l’évaluation des progrès du patient et de l’intervention est plus facile avec les notes S.O.A.P. d’apres Cameron, Susan, and Imani Turtle-Song. « Learning to write case notes using the S.O.A.P. format. » Journal of Counseling & Development 80.3 (2002): 286-292.

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Le format S.O.A.P. est sensible à la théorie de référence du clinicien. Par exemple, ce que le clinicien relève et le sens qu’il donne à ses observations dépend de la théorie utilisée. De plus, certains contextes théoriques s’accommodent plus facilement que d’autres du format S.O.A.P. Les psychothérapeutes travaillant avec la théorie psychanalytique peuvent être déroutés par cette méthode.

Certains cliniciens peuvent également trouver le format S.O.A.P. trop restrictif. Ils ne reconnaissent pas dans les rubriques ce qui fait l’essentiel du travail psychanalytique avec leurs patients. Pour pouvoir construire un format de notes adapté au cadre psychodynamique, il faut tout d’abord prendre en considération ce qui fait la spécificité de la thérapie psychodynamique. Dans la partie suivante, les éléments de base de la théorie et de la technique de la psychothérapie psychodynamique vont être rappelés. Puis la place de l’écriture dans la psychanalyse sera resituée, ce qui permettra de présenter la méthode de prise de notes.

Les notes cliniques et la psychanalyse

Dans le contexte psychanalytique, il existe peu de textes qui traitent des notes cliniques dans un contexte psychodynamique. Pourtant, l’écriture est une des sources de la psychanalyse. On sait en effet l’importance de la correspondance entre Sigmund Freud et Willhem Fliess dans l’invention de la psychanalyse. Lettre après lettre, Freud y confie ses espoirs, ses élans, ses découragements parfois dans un transfert massif sur son ami berlinois. Ironiquement, la talking-cure a pour origine une writing cure et même une publishing cure (Mahony, 1994) Plus tard, Freud gardera l’habitude d’écrire à de nombreux correspondants. Les lettres adressées à Karl G. Jung, Sandor Ferenczi, Ernest Jones ou à des non-analystes comme Albert Einstein ou Romain Rolland l’aident à préciser ses idées ou même à faire progresser son auto-analyse.

Le peu d’intérêt manifesté par les psychanalystes pour les notes cliniques tient pour une part à Freud lui-même. En effet, Freud déconseillait la prise de notes pendant la séance d’analyse (Freud, 1912). Il considérait que l’écriture risquait de conduire l’analyste à se focaliser sur des détails et finalement à ne trouver dans le matériel clinique que ce qui correspond à ses inclinations ou ses croyances. L’injonction célèbre de W. R. Bion d’être dans la séance « sans mémoire et sans désir » va également dans ce sens. Bion observe les événements de la séance et pense que la tentative de se souvenir ou de faire trace risque de les détruire. Cependant, même si ces objections doivent soigneusement être prises en compte, c’est d’abord l’effet sur le processus analytique qui doit être considéré. Howard B. Levine note que dans certains cas, l’écriture pendant la séance a été une aide précieuse pour conserver intacte sa capacité de penser. Dans les situations cliniques ou les processus d’identification projective sont importants, la page et le travail d’écriture fonctionnent comme des containers qui garantissent à l’analyste que sa capacité à penser n’a pas été gravement endommagée.

Ces situations sont cependant extrêmes et les avertissements de Freud comme ceux de Bion doivent être entendus. Il faut néanmoins prendre en compte qu’ils concernent les notes prises pendant la séance. Les notes prises après la séance, qui sont l’objet du présent article – ne posent pas cette difficulté au traitement analytique. En tout cas, elle n’en posait pas lorsque Max Graf, le père du petit Hans, note les faits et gestes de son enfant, d’abord à son insu, puis sous sa dictée, avant de les rapporter à Freud.

Pendant des années, les notes cliniques sont restées presque au-delà de l’horizon des psychanalystes. Pour Wallerstein et Sampson (1971), les notes cliniques sont un matériel formidable pour la recherche clinique. En effet, ces notes permettent d’accéder à des observations faites par des observateurs expérimentés. Elles sont faciles à obtenir dans de bonnes conditions éthiques, elles sont plus facilement exploitables que des transcriptions de séances enregistrées au dictaphone.

Thomas Szasz y fait une brêve allusion, mais les développements les plus importants sont apportés par les psychanalystes de groupe. Cet intérêt particulier des psychanalystes de groupe pour les notes cliniques s’explique sans doute par deux facteurs. Le premier est la nécessité de documenter leur pratique pour en rendre compte de la manière la plus objective possible. La seconde au fait qu’en situation de groupe, les psychothérapeutes ont à traiter un matériel plus abondant et plus complexe qu’en situation individuelle. La prise de note offre alors un espace de dépot et de réflexion très utile.

Dans ce contexte, il faut faire une place particulière au travail de Gimenez et Barthelemy (2013) qui ont développé un système de prise de notes permettant de représenter l’expérience sensorielle, cognitive et émotionnelle du clinicien dans un cadre psychodynamique. Leur système est original parce qu’il tient compte de la position particulière de l’observateur dans le dispositif groupal. Les notes peuvent donc être prises pendant la séance par l’observateur, sans que cela nuise au processus analytique. Elles sont ensuite relues après la séance avec les co-thérapeutes. Les auteurs insistent sur le fait que le processus d’attention flottante est actif pendant la prise de notes. Le clinicien doit porter son attention sur les constructions défensives, les motifs d’anxiété ou d’intérêt qu’il retrouve pendant la prise de notes.

Le système de Gimenez et Barthelemy est organisé en quatre colonnes : les communications verbales, les scénarios, les pensées, émotions, transfert, le transfert et l’inter-transfert.

1. Les communications verbales et la chaîne associative groupale. Cette colonne contient tout ce qui peut être vu et entendu dans le groupe. Les sensations sont décrites avec le plus grand détail afin de donner une image précise de l’événément. La tonalité affective, le rythme, les dimensions spatiales sont à noter. Les chaînes associatives groupales sont également notées dans cette colonne. Elles permettent de prendre en compte la polyphonie groupale (Kaës, 1994).

2. Les scénarios groupaux. Dans cette colonne, le clinicien note les scénarios décrits dans le groupe ou ceux qui se produisent dans les groupes. Les phrases sont descriptives : “quelqu’un fait quelque chose à quelqu’un d’autre face à un troisième qui regarde”. Cette colonne permet au clinicien de rendre compte des interactions entre les membres du groupe.

3. Les pensées, les émotions, le contre-transfert et l’inter-transfert. Cette colonne est celle ou le clinicien note les mouvements internes en relation avec l’expérience sensorielle est les associations groupales de la première colonne. Le clinicien note ses sentiments en réaction au groupe et reflète son accordage au groupe. Lorsque le groupe compte plus d’un psychothérapeute, l’analyse de l’intertransfert est noté dans cette colonne

4. Le rôle du tiers et la position auto/meta. Des hypothèses formulées en fonction du matériel recueilli dans les trois premières colonnes sont notées ici. Le clinicien transforme ce qu’il a observé en fonction de sa théorie de référence et donne son point de vue. Pour les auteurs, les hypothèses doivent rassembler des indices cliniques, offrir une explication des faits observés et avoir une dimension prédictive. En un sens, cette colonne est un container pour les trois autres colonnes et créé un espace de transformation où les pensées et la théorisation peuvent avoir lieu loin des réponses défensives au groupe.

Pour Gimenez et Pinel, la prise de notes est un outil de collaboration entre des cliniciens. Elle permet de comparer des points de vue différents et offre des manières de les associer. La prise de notes est la fondation de la recherche et de la communication entre chercheurs. Le système que je propose s’appuie à la fois sur format S.O.A.P. qui est classiquement utilisé dans les domaines de la santé et de la médecine, sur la dynamique transférentielle et sur les quatre grands systèmes de la psychanalyse.

Le système de notes des Quatre théories

Le système de notes proposé par Gimenez et Pinel est organisé autour de la psychothérapie psychodynamique de groupe. Il n’existe pas à ce jour de méthode de notes pour les psychothérapies psychanalytiques individuelles. Un tel système doit respecter à la fois l’esprit de la technique et ses fondements théoriques. Aussi est-il utile de commencer par les rappeler.

La thérapie psychodynamique est une méthode de traitement des troubles psychiques qui utilise l’échange verbal pour provoquer des changements de comportements. Elle partage avec les autres thérapies une définition générale. Il s’agit d’interactions entre deux personnes, principalement verbales, dans laquelle une personne donne le soin et l’autre la reçoit. Le but est d’élucider les problèmes caractéritiques du patient ; l’espoir est d’arriver à un changement. La thérapie psychodynamique utilise des techniques spécifiques. Elle est particulièrement centrée sur la compréhension du fonctionnement mental pour guider le traitement et les interventions du thérapeute.

La psychothérapie psychodynamique est basée sur les principes théoriques et techniques développés par Sigmund Freud. Apres avoir utilisé l’hypnose, Freud a utilisé la technique de la libre association pour comprendre, explorer, et résoudre les conflits inconscients de ses patients. Ces conflits se développent dans l’enfance et tout au long de la vie. Ces conflits sont des patterns de comportement, de pensées ou d’émotions qui résultent de l’histoire développementale et biologique de la personne.

Les conflits inconscients sont des conflits entre les désirs libidinaux et agressifs et la peur de la perte, la peur de la retaliation, les limites imposées par le monde. Les désirs libidinaux sont des désirs sexuels ou des désirs de gratifications. Les désirs agressifs sont des désirs de destruction qui sont soit primaires, soit secondaires à la frustration ou à déprivation perçue ou vécue.

Le conflit névrotique est un conflit entre des sentiments ou une ambivalence dérivant du passé. Il est généralement inconscient et provoque de l’anxiété, la dépression, des troubles somatiques, des inhibitions sociales, sexuelles, ou au travail. Il peut également provoquer des relations interpersonnelles inadaptées. Les conflits inconscients se traduisent dans des comportements, des pensées, des sentiments, ou des fantaisies. Ce sont des patterns appris dans l’enfance. Ils peuvent avoir été un temps adaptés à la situation de la personne ou nécessaires à sa survie.

La perspective psychodynamique voit la vie mentale comme un flux continu influencé par des forces en interaction. Ces forces concernent la douleur psychique et le souhait de l’éviter en rendant inconscient ses sources. Les conflits peuvent être conceptualisés en termes de désirs acceptables ou inacceptables. Leiper s’appuie sur le triangle du conflit de Malan (Malan1995). Un sentiment caché provoque de l’anxiété lorsqu’il devient conscient, parce que son expression peut avoir des conséquences catastrophiques. L’anxiété signale qu’il y a un danger interne. Les défenses permettent d’éviter la prise de conscience du conflit. Dans une perspective similaire, Luborsky parle de Conflit Relationnel Central, Theme et Levenson (1995) de Schéma Inadapté Cyclique. Lorsque les défenses ne fonctionnent pas, une seconde ligne de défense est produite par la formation de symptômes c’est-à-dire de compromis qui permet d’exprimer les deux faces du conflit.

Dans une perspective psychodynamique, un système de notes doit permettre de répondre aux questions suivantes :

  • quels sont les conflits principaux ?
  • quelle est la qualité de l’angoisse suscitée par les conflits ? Comment l’angoisse est elle gérée ?
  • quelles stratégies défensives et schémas relationnels sont développés pour gérer l’anxiété ? Quelle est leur efficacité ?
  • comment les problèmes présentés ou symptômes sont reliés aux stratégies défensives ?
  • comment est organisé le transfert et le contre-transfert ?

Il est plus facile d’organiser ces questions autour des quatre “mini-théories” décrites par Pine(1998) qui distingue la théorie des conflits inconscients, la théorie du Moi et des mécanismes de défense, la psychologie du Self et la théorie des relations d’objet. Ces quatre théories sont résumées dans le Tableau 2 ci-après.

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● Le système de notes pour les thérapies psychodynamiques

Le système que je propose permet d’articuler ce que le patient dit pendant la séance aux principales théories psychanalytiques ainsi qu’à l’axe transféro-contre-transférentiel. Les thérapeutes ont tous une théorie de prédilection. Certains s’attachent particulièrement aux défenses et à leur analyse tandis que d’autres portent davantage leur attention aux relations d’objet. Pourtant, chacun reconnaîtra sans peine qu’aucune théorie ne peut rendre compte de façon satisfaisante de la complexité d’un comportement, d’un symptôme et encore moins d’une personne. La pluralité des points de vue théorique permet de s’approcher un peu plus de la complexité et de la véracité de chacun.

Le tableau 3 résume la méthode des Quatre Théories

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La section Self

Le clinicien note dans la section Self ce que le patient verbalise. Dans le cadre d’entretiens préalables à une psychothérapie ou d’un examen psychologique, cette section comprend également les motifs du rendez-vous, la plainte du patient, les difficultés auxquelles il fait face et les solutions utilisées jusqu’à présent. La section Subjectif est un résumé concis et fidèle du point de vue du patient. Le clinicien note également ce qu’un tiers – par exemple un membre de la famille ou un professionnel – a pu lui dire à propos du patient. Même si les échanges verbaux sont privilégiés, le clinicien porte également son attention aux autres modalités de communications. Ce qui est donné à voir ou à sentir appartient également à cette section.

Le clinicien est également attentif à noter dans la section Subjectif l’histoire du patient, son niveau de fonctionnement, ses émotions et ses attitudes, ses buts actuels, ses plaintes et les effets du traitement. Certains cliniciens peuvent trouver utile d’organiser la section Subjectif en sous-catégories en fonction de ces éléments. Des sous-sections comme « Niveau de fonctionnement », « Situation actuelle » ou « Buts du traitement » facilitent la lecture et permettent de retrouver facilement l’information.

Les citations du patient sont parfois utiles. Elles servent à illustrer un point clinique : la confusion, la perte de mémoire, le déni, l’attitude générale vis-à- vis de la thérapie peuvent être saisies par une citation du patient.

Cette section fait donc apparaître comment la personne se perçoit. Les fantaisies qu’elle forme à propos d’elle-même, l’identité qu’elle s’est construit et celle qu’elle fait vivre dans les relations avec les autres font l’objet d’une notation. Le clinicien prend également note des éléments en relation avec l’estime de soi. Les vulnérabilités narcissiques, et les réactions qu’elles provoquent sont prises en compte. Nous avons vu avec Kohut que la rage narcissique était une réaction possible pour rétablir un contact suffisant avec un objet-soi. D’autres réactions sont possibles comme le recour à autrui comme appui narcissique ou la spirale dépressive.

Les questions suivantes peuvent aider à remplir la section Subjectif.

  • Comment le patient se représente sa situation ?
  • Comment le patient réagit-il aux atteintes narcissiques ?
  • Existe-il des défaillances précoces de l’environnement ?
  • Le patient est-il capable d’empathie ?

La section Transfert / Contre-transfert

Cette section correspond à la colonne Pensée, émotions, transfert et intertransfert de Gimenez et Barthelemy (2011). Le clinicien note la dynamique transférentielle et contre-transférentielle de la psychothérapie. L’alliance de travail dans ses différentes composantes appartiennent à cette section. L’alliance de travail peut être définie comme l’accord entre le patient et le thérapeute sur les buts thérapeutiques, les moyens de les atteindre et les tâches à réaliser.

Les niveaux transférentiels et contre-transferérentiels proprement dits sont également à prendre en compte. Le transfert correspond à la tendance de chacun de vivre les relations actuelles sur le mode des relations construites pendant l’enfance. La tonalité du transfert, ainsi que ses modulations sont notées dans cette section. Le travail de David Malan facilite le repérage du transfert en faisant correspondre les conflits inconscients du patient à la dynamique transférentielle. Le système défensif et le transfert sont représentés respectivement par le triangle des conflits et le triangle des personnes. Le Triangle des Conflits est formé par les défenses qui s’expriment contre les désirs ou sentiments réprimés ce qui provoque de l’anxiété. Dans le triangle des personnes, les sommets sont occupés par les Autres, le Psychothérapeute et les Parents. Le patient se défend (mécanismes de défense) contre les sentiments réprimés envers des personnes à l’origine du conflit mais la satisfaction des désirs est impossible ou inacceptable, ce qui provoque de l’anxiété. Les triangles reposent sur leurs sommets ce qui signifie que les sentiments et désirs réprimés alimentent les défenses et l’anxiété et que les relations aux autres et au psychothérapeute dépendent des premières relations avec les parents. Malan associe les deux triangles en faisant correspondre les sentiments réprimés à plusieurs sommets du Triangle des Personnes.

Cette section pose la difficile question de savoir à qui appartient le matériel de psychothérapie et les notes qui les traduisent. Lorsque les choses se passent banalement, la question n’a pas à être résolue. Il y a psychothérapie uniquement parce qu’une personne demande à une autre de traiter une difficulté psychologique. Les pensées formées en séance appartiennent aussi bien à l’un et à l’autre des protagonistes. Un mécanisme comme l’identification projective montre combien les pensées ou les émotions de l’un peuvent être données à vivre à l’autre. Dans le cadre des écrits du psychothérapeute, la distinction est généralement faite entre les notes cliniques et les notes du psychothérapeute. Ces dernières comportent des éléments transférentiels et contre-transférentiels et de ce fait elles ne sont pas versées au dossier du patient contrairement aux notes cliniques. Aussi, cette section est à supprimer lorsque les notes doivent être transmises, qu’il s’agisse d’un autre professionnel ou du patient lui-même.

Les questions suivantes peuvent être utiles pour la section Transfert Contre-transfert.

  • Un transfert est-il repérable ?
  • Quelle est la tonalité du transfert ?
  • Le transfert est-il une aide ou un obstacle à la psychothérapie ?
  • Le thérapeute est-il gêné par la nature du transfert ?
  • Quels sont les éléments du passé qui sont actualisés dans le transfert ?

La section Conflits

Les occasions de conflits sont nombreuses dans la théorie psychanalytique. Ils peuvent se produire entre deux instances (le Moi, le Ça et le Surmoi), entre deux principes (principes de plaisir et de réalité) ou se développer dans le domaine interpersonnel. Dans cette section, le clinicien dresse une carte générale du fonctionnement conflictuel du patient. La conflictualité interne et externe est prise en compte. Dans le premier cas, la notation concerne la manière dont les représentations et affects inconscients activent les défenses et l’anxiété. Le clinicien s’attache à décrire quels éléments inconscients activent quelles défenses et provoquent quelles angoisses. La conflictualité externe concerne la manière dont le patient produit ou gère les conflits qui se produisent avec d’autres personnes. Le clinicien note les motifs récurrents de conflits, la manière dont le patient les forme ou les évite.

Les questions suivantes peuvent servir de guide pour la section Conflits.

  • Existe-il un conflit central ?
  • Le conflit est-il intrasystémique ou intersystémique ?
  • Le conflit est-il convergent ou divergent ?
  • Comment évolue le niveau de conflits ? Est-il stable ? en augmentation ? en diminution ?
  • Quel est le niveau de développement des conflits ? Sont-ils pré-œdipiens ? œdipiens ?
  • Quelle est le rôle de l’environnement dans les conflits ?
  • Quel est le rôle de la culture dans les conflits ?

La section Psychologie du Moi

Cette section concerne particulièrement le fonctionnement du Moi et la manière dont il met en œuvre les mécanismes de défense. Le clinicien s’intéresse à la manière dont le sujet prend en compte les exigences pulsionnelles et celles de la réalité. Le bon ou mauvais accordage entre les instances et entre la réalité interne d’une part et la réalité externe d’autre part appartiennent à cette section.

Après une analyse de la littérature, Ionescu, Jacquet et Lhote (1997) définissent les mécanismes de défense comme « des processus psychiques inconscients visant à réduire ou annuler les effets désagréables des dangers réels ou imaginaires, en remaniant les réalités interne et/ou externe et dont les manifestations – comportement, idées ou affects – peuvent être conscientes ou inconscientes ». Cette définition donne plusieurs clés d’entrée pour la section Psychologie du Moi. Le clinicien note les différents mécanismes de défense (refoulement, déplacement, clivage etc.), les dangers (perte de l’objet, de l’amour de l’objet, d’une partie de l’image inconsciente du corps, de l’affection de l’objet), l’impact sur la réalité externe (création d’une néo-réalité, prise en compte partielle ou totale) et interne (création d’une nouvelle topique par clivage ou refoulement, diminution des tensions internes en cas de satisfaction etc.)

Voici quelques questions en lien avec la section Psychologie du Moi

  • Quels sont les défenses repérées ?
  • Quel est le niveau de maturité des mécanismes de défense ?
  • Quel est l’effet des défenses sur le fonctionnement général ?
  • Quelle est l’efficacité des défenses ?

La section Relations d’objet

Les relations d’objets renvoient aux relations avec les premières personnes importantes de l’environnement humain du patient et à la manière dont les figures du passé interviennent dans les expériences du présent. Le clinicien note le mode d’expression relationnelle du patient. Les modes fusionnels, anaclitiques et triangulaires correspondent aux modes décrits par Thomas Ogden et Melanie Klein. Les objets internes sont constitués dans les premiers moments de la vie de la personne. Ils sont fait de l’expérience avec une personne significative dans la vie de l’individu. Ils sont des complexes cognitivo-affectifs qui évoquent différentes manières de penser, de sentir et d’agir. Les positions schizo-paranoïde et dépressive de Melanie Klein (1964, 1975) et le mode autistique-continu décrivent des manières d’organiser l’expérience subjective en fonction des relations d’objet. Les objets du mode autistique-continu sont des objets et des formes autistiques. Dans le mode schizo-paranoïde, ils sont clivés et partiels tandis que les objets du mode dépressif sont des objets totaux. Dans ce cas, les qualités intrinsèques de l’objet sont pleinement reconnues.

Une autre manière de décrire les relations objectables est de les mettre au regard du développement psychosexuel. Le type de relation orale est caractérisé par la prévalence de la succion, l’absence de différenciation entre le corps propre et l’objet extérieur et l’absence d’amour et de haine proprement dit. Dans la relation d’objet anal, les objets sont organisés autour de la maitrise, la rétension et l’expulsion. Le plaisir est celui du sadisme et de l’auto-érotisme d’une part et du plaisir de garder ou de donner d’autre part. Enfin, au moment de l’Œdipe, l’enfant passe d’une relation d’objet duelle à une relation d’objet triangulaire. La relation d’objet est marquée par l’amour pour le parent de sexe opposé et la haine du parent de même sexe.

Les questions suivantes peuvent aider à se repérer dans cette section :

  • Quelle est la qualité des objets internes prééminents ?
  • Quelle est la qualité des objets externes prééminents ?
  • Comment les relations premières ont-elles été internalisées ?
  • Quel type de relation d’objet le client construit-il ?
  • Quels sont les choix d’objet du client ?

La section Analyse

Dans la section Analyse, le clinicien fait une évaluation du patient en fonction de ce qui a été noté dans les sections précédentes. Pour plus de clarté, il peut être nécessaire d’organiser la section Analyse en sous-rubriques : Problèmes, Buts et Évaluation. La sous-rubrique Problème liste les problèmes du patient et les présente par ordre d’importance. Cette sous-section est surtout importante dans le cadre des entretiens diagnostiques. Elle permet la planification de la prise en charge du patient. Le clinicien donne son point de vue de la situation dans la sous-section Évaluation. La section Analyse fait le lien entre la perception du patient (section Subjectif), les données cliniques par l’axe transféro-contre-transférentiel, les conflits, le Moi et les mécanismes de défense, le Self et les relations d’objet) et ce qui va être proposé dans la rubrique Plan.

D’une façon générale, la section Analyse permet de discuter de l’écart entre la perception du patient et ce qui est observé pendant le rendez-vous, de discuter les buts du traitement, et de commenter l’évolution du patient. Elle est un résumé des problèmes trouvés et des buts que le clinicien s’est donnés avec son patient. Les trois sous-rubriques de la section Analyse sont à comprendre comme un processus. Les problèmes du patient sont tout d’abord listés en fonction de ce qu’il a apporté (section Evaluation) et de ce qui a été observé (les données cliniques). Puis, des buts sont donnés. Les buts à long terme sont décomposés en plusieurs étapes. Enfin, une évaluation générale de la situation est donnée par le clinicien (sous-rubrique Evaluation)

La section Plan

La section Plan résume le traitement prévu pour le patient. Elle décrit les actions menées auprès du patient. Il est important de prendre en compte les modalités du traitement : qu’est-ce qui sera fait ? où ? par qui ? pendant combien de temps ? à quel rythme ? Quels tests sont à passer. Lorsqu’il s’agit d’une psychothérapie, la section Plan doit préciser au minimum le type de traitement donné et la fréquence du traitement. Des informations supplémentaires comme le nom du professionnel ou de celui qui donnera le soin et le nom de l’institution où il sera conduit, peuvent être utiles. Le Plan est en relation avec les buts à long terme et à court terme établis dans la section Analyse.

Lorsque la note est écrite à la fin de la prise en charge, la section Plan précise :

  • le type de traitement
  • les résultats obtenus
  • le nombre de séances
  • l’assiduité du patient
  • les recommandations faites
  • les autres traitements qui ont été donnés
  • les documents donnés

La section Plan est l’étape finale de la planification de la prise en charge du patient. Au moment de l’évaluation diagnostique et des étapes intermédiaires du traitement, elle encadre l’accompagnement, qui est fait, du patient. A la fin de la prise en charge, elle donne un résumé des traitements effectués et des recommandations faites.

Conclusion

Les notes cliniques sont un élément essentiel du travail du psychothérapeute. Elles l’accompagnent et l’aident à penser son patient une fois celui-ci parti. Elles permettent de préparer la séance à venir. Elles sont une aide dans l’organisation du soin, dans la formation des psychothérapeutes et dans les échanges scientifiques. Pourtant, malgré toutes ces qualités, les notes cliniques sont souvent négligées par les psychothérapeutes psychodynamiciens. La méthode des quatre théories offre un système de notes cohérent avec le cadre psychanalytique. Elle est organisée autour des quatre théories de la psychanalyse (théorie du conflit, psychologie du Moi et des mécanismes de défense, théorie des relations d’objet, théorie du Self) et de la dynamique transféro-transférentielle. Elle permet d’organiser le matériel à partir de ce qui est entendu (Section Subjectif) et expérimenté (Section Transfert Contre-transfert) en prenant l’impact des premières relations (Section Relations d’objets) sur l’amènagement de la personne (Section Psychologie du Moi et des mécanismes de défense). Les éléments cliniques peuvent alors être interprétés par le clinicien (Section Analyse) et des options de traitement peuvent être proposées (Section Plan).

Bibliograhie

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