C’est avec Annie Anzieu, pour la plupart d’entre nous, dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de la Salpêtrière du Pr Basquin à l’époque, et dans son groupe de supervision, que nous avons fait nos premiers pas à partir du projet qu’Annie nous proposait, celui d’explorer l’approche psychanalytique de la relation thérapeutique avec l’enfant en thérapie d’enfant ou d’adolescent. Nous nous souvenons avec une immense affection d’Annie, qui a été pour nous, « apprentis du groupe de supervision », un maître à penser, une grande dame dont la présence vivante est inscrite en nous pour toujours.
Et c’est également, dans ce même service, qu’Annie Anzieu a participé, chaque année, avec ses collègues du département de psychothérapie et de psychanalyse du service (Loïse Barbey, Simone Daymas, puis Agnès Lauras-Petit, ainsi que Christian Flavigny, Lionel Rotenberg, puis aujourd’hui Estelle Louët, Caroline Thompson et moi-même) à l’organisation des journées annuelles à thème, mémorables et passionnantes, dites Les journées du département, toujours attendues et très appréciées, qui réunissaient les psychiatres et psychologues du service ainsi que des psychanalystes venus d’autres services parisiens et de nombreux psychothérapeutes en formation.
Les premières années, le tempérament affirmé d’Annie nous impressionnait, mais ses enseignements étaient un trésor unique, et inaccessible ailleurs (ou si peu à cette époque). Nous avons, durant de nombreuses années, eu la chance immense de bénéficier auprès d’Annie, de la grande richesse de sa pensée, de la qualité exceptionnelle de son écoute, et aussi de son plaisir si communicatif dans les échanges que nous avions à travers nos présentations cliniques. Elle soulignait des aspects importants dans notre travail, avec précision et subtilité, et de ce fait élargissait aussitôt le champ de nos réflexions tout en renouvelant notre confiance et notre gratitude.
Tout ceci était si précieux que nous ne pouvions que renouveler chaque année, notre inscription dans le groupe pour continuer d’apprécier la finesse de son approche et poursuivre avec elle nos échanges cliniques. Le groupe se renouvelant au fur et à mesure, et certains des « anciens » souhaitant continuer leur participation au travail de réflexion toujours approfondi d’Annie, accueillaient à ses côtés (je dirais même, aprenaient à accueillir) les plus jeunes, dans la bienveillance et le respect de cette écoute et de la réflexion commune dans le groupe, qu’elle nous a habilement appris à maintenir, les uns pour les autres.
Plus tard, c’est à son domicile qu’Annie nous a permis de continuer de nous réunir, nous accueillant avec son dynamisme souriant et enthousiaste, rejointe par la suite par son amie et co-fondatrice de la SEPEA, Florence Guignard, tout aussi stimulante… jusqu’au jour où Annie a pu s’autoriser un peu de repos.
Nous gardons des souvenirs particulièrement émus, de la délicatesse avec laquelle Annie, véritable orfèvre de la parole, choisissait chaque mot pour éclairer son propos, pour le rendre clair et vivant, au plus proche des perceptions des sensations et des mouvements psychiques du patient (ou des nôtres) dans la situation analytique, amenant ainsi progressivement notre propre pensée à saisir de nouvelles nuances, infiniment précieuses, illuminant alors pour nous tout un champ de compréhension.
Agnès Lauras-Petit, psychanalyste, nous rappelle également qu’ « Annie était aussi une psychanalyste de terrain, engagée au-delà des positions classiques trop rigides : nous la revoyons encore, dans la Salpêtrière, raccompagner au volant de sa petite voiture un jeune autiste qu'elle entourait ainsi de son enveloppe psychique jusqu'à l'hôpital de jour au sortir de sa séance ». Francoise Fradin, psychanalyste également, qui a participé à des supervisons de groupe auprès d’Annie au Pilat, vous joint cette photo, rappelant des souvenirs chaleureux : « Et Annie nous avait accueillis au Pilat … pour partager nos patients, nos questionnements, nous proposer ses précieux éclairages, mais aussi quelques moments plus intimes, souvenirs de ses débuts professionnels… ».
Hélène Artigala, Agnès Lauras-Petit, Françoise Fradin