L’homme et le robot
Éditorial

L’homme et le robot

– Où se trouve le cerveau du robot ?
– A ton avis ?
– Dans sa tête ? Dans son thorax ? Dans son système de récepteurs et d’émetteurs ? Dans le crâne de celui qui le commande ? Dans celui de qui l’a créé ?
– Un peu tout ça
– Alors, c’est comme nous les humains ! Avec nos systèmes nerveux central et périphérique, et ce qui nous vient de ceux qui nous ont conçus.
– C’est ce qu’on croyait jusqu’il y a peu. C’est même sur ce modèle qu’ont été inventés les robots et qu’ils progressent.
– Et en fait ?
– Il leur manque les éléments essentiels qui commandent les autres et leurs dictent en partie leur conduite !
– Mais qu’est-ce donc ?
– Le microbiote ! Tu sais bien ! Tous les germes au contact des neurones du tube digestif qui forment notre deuxième cerveau. Et il n’y a pas que les taoïstes et la culture sino-japonaise qui le disent. Sache que  ces germes sont plus nombreux que les cellules que contient notre corps ! Que 95% de la sérotonine que nous fabriquons est le fait de l'intestin ! Que bon nombre de nos troubles en seraient dépendants. L’autre cerveau dans la cavité crânienne a pourtant encore la prétention de se dire supérieur et au commandement, car il est plus élevé quand nous sommes debout et plus loin des « tripes », zone obscure où se nichent pourtant en partie l’origine de nos humeurs, nos affects, notre intelligence affective, relationnelle et émotionnelle, ainsi que de nos capacités empathiques…
– Alors, c’est ce microbiote qui nous rend plus « humains » que le robot et qui ferait notre force quand il ne nous fragilise pas ? Il n’y aurait pas de vie sans microbes. Et les tentatives de bestiaire aseptique comme de vie sous bulle n'auraient pas d’avenir en dehors de soins spécifiques transitoires ou d’expériences scientifiques ? Mais un jour peut-être les robots dirigeront les hommes ou, à tout le moins, les remplaceront ?
– Quand les poules auront des dents et les robots un microbiote, nous en reparlerons !

Patrice Huerre
Psychiatre, psychanalyste,
président de l’Institut du virtuel