Matisse, Paires et séries
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Matisse, Paires et séries

Exposition, Paris, Centre Pompidou, du 7 mars au 18 juin 2012

Qu’est-ce qu’une bonne exposition ? Celle qui renouvelle notre regard sur un artiste déjà connu. C’est le cas ici, avec Matisse, dont l’accrochage à Beaubourg révèle des aspects peu connus de la démarche créatrice du peintre. Développant un point de vue inattendu sur l’œuvre, elle montre des toiles qui forment des paires ou des séries, témoignant de la recherche incessante de l’artiste, explorant les différents traitements formels d’un même motif. Les trois ponts Saint-Michel de la première salle sont exemplaires : non seulement d’une toile à l’autre ce n’est pas le même pont, mais on dirait que ce n’est pas le même peintre.

Les quatre bleus, grands découpages de la fin de la vie de Matisse, provenant de trois musées différents, réunis ici, posent cette question de manière tout à fait significative : on ne peut pas les numéroter dans un ordre de datation chronologique. Le dernier est aussi le premier, car c’est ainsi que Matisse procédait pour ses séries : il faisait une toile, puis en réalisait rapidement deux ou trois autres, pour revenir à la première, et réaliser une synthèse en fonction de ce que les autres avaient induit. Renversant la temporalité, il reprend la genèse de l’œuvre après l’avoir faite. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’œuvre achevée, mais sa gestation, c’est-à-dire les processus de la création qu’il nous dévoile en direct.
A une période, Matisse a eu recours à une méthode unique : il a fait photographier ses tableaux tous les jours pour fixer toutes les étapes de leur élaboration. Puis il a exposé l’œuvre entourée de ces photographies.

Autre exemple de la complexification de l’œuvre première : Lorette sur fond noir, robe verte, est seule, assise sur son fauteuil. Puis la même Lorette, apparaît dans Le Peintre dans son atelier, avec le peintre se représentant lui-même en train de peindre la première œuvre. Dans un mouvement de réflexivité, Matisse s’inclue dans le tableau en train de se faire.

« La réaction d’une étape est aussi importante que le sujet. (…). A chaque étape, j’ai un équilibre, une conclusion. A la séance suivante, si je trouve qu’il y a une faiblesse dans mon ensemble, je me réintroduis dans mon tableau par cette faiblesse – je rentre par la brèche – et je reconçois le tout ». Mais ce travail très conceptuel n’empêche pas la joie que l’on éprouve devant le foisonnement de couleurs jaillissantes et imbriquées, dont d’ailleurs aucune reproduction ne restitue l’intensité lumineuse qui enchante le spectateur devant la toile.