La mort d’un être cher ne confronte pas seulement à la nécessité d’accepter que nous ne le reverrons plus. C’est aussi l’occasion de commencer à faire le tri des images que nous gardons de lui. Des années où il régnait sur la pédopsychiatrie française aux moments où nous plaisantions sur le handicap, moi debout et lui dans son fauteuil roulant, les images que j’ai de Michel Soulé sont nombreuses. Michel qui nous amuse, Michel qui nous enseigne – et qui fait d’ailleurs souvent les deux à la fois -, Michel qui nous fait découvrir avec ravissement la face cachée d’un concept aussi connu que l’objet transitionnel, Michel qui a construit la pédopsychiatrie française, avec une curiosité et une ouverture qui ont marqué tous ceux qui l’ont côtoyé, et aussi Michel qui est le seul à s’étonner encore de ce qu’il nous a déjà raconté dix fois, ou qui nous afflige avec quelque plaisanterie scatologique… Aucune de ces facettes n’est plus vraie qu’une autre. Michel Soulé les assumait toutes joyeusement. C’était la richesse de sa personnalité. Faut il vraiment les réunir ? Il était pour moi un gamin éternellement facétieux qui adorait jouer des tours pour en rire ensemble. Car Michel Soulé était plus un adepte de l’humour que de l’ironie, ou plutôt de toutes les formes d’humour. Alors que Didier Anzieu, dont j’étais plus proche, me donnait l’impression de prendre tous les matins son petit déjeuner avec les monstres de la première année de la vie, j’imaginais Michel Soulé inviter chaque jour à sa table les fantasmes, les conflits et les rêves de l’enfant.
Si le nourrisson savant décrit par Sandor Ferenczi avait un visage, ce pourrait être le sien. Mais je n’en ai pas trouvé… Je me suis rabattu sur une photographie de Superman en culottes courtes. C’est l’hommage que je lui rends.