Dans notre civilisation qui requiert de hautes spécialisations, il est devenu plaisant, voire cultivé, de discourir savamment de ce que l’on sait fort mal. Ainsi, le politique parle de l’anthropologie du voile musulman, le pédagogue estime savants les propos qu’il tient sur la psychologie de l’enfant (rappelez-vous la fameux colloque sur l’ennui à l’école), les bailleurs de fonds proposent leurs compétences dans les domaines qu’ils financent. Gloire à nos philosophes car leur côté « normal supérieur » leur permet de dire tout sur tout, en particulier dans le champ politique.
Nous autres, psys de l’enfance et de l’adolescence, estimons que notre ancienneté dans l’expérience clinique autorise de bien sérieux conseils aux parents et aux enseignants : péremptoires affirmations du savoir ou de l’ignorance ? Les éditeurs sont friands de ces opinions percutantes, jactances données comme évidences. Le psychanalyste dans l’ensemble ne résiste pas à révéler la culture qu’il a acquise en écoutant.
Bref, le « Moi, je ne sais pas » est haïssable dès que l’image du supposé savoir est socialement reconnue. Depuis 1968 pourtant, les universités ont commencé à apprendre parfois au détriment de leurs programmes d’enseignement qu’il faut distinguer en toute modestie interdisciplinarité et confusion des langues.