Perdre, détruire, effacer
Éditorial

Perdre, détruire, effacer

L’angoisse de l’inconnu, sans nul doute la plus intense de toutes nos angoisses humaines, avait conduit Guy Rosolato à décrire la « relation d’inconnu ». « Un tiens vaut mieux que deux tu ne l’auras peut-être pas…» Il y a là, on le sait, l’une des racines importantes de notre masochisme foncier, puisque la peur anticipée de toute perte d’objet finit par justifier notre agrippement aux objets douloureux … mais connus ! Jean Giono disait ainsi que le scandale de la douleur, c’est que « même la douleur peut devenir familière ». Pour autant, la solution masochiste n’est pas la seule possible.

Détruire l’objet que l’on craint de perdre vise ainsi à tenter de se maintenir dans une position active à l'image de ce personnage vieillissant de Molière, une femme dont les pouvoirs de séduction s’émoussant avec l’âge « renonce au monde qui la quitte ». Ne faisons-nous pas ainsi, parfois, avec le monde qui change et notre peur du monde qui vient ? Mais il existe encore une solution plus radicale, celle qui consiste à effacer l’existence de l’objet, c’est-à-dire son extériorité, par crainte de le perdre. C’est ce que font certains bébés qui mettent en place des mécanismes autistiques au sortir de leur mouvement dépressif afin de ne plus revivre la douleur de la perte.

Il ne s’agit là en rien d’une organisation autistique structurale, mais seulement de l’indice d’une capacité d’effacement de l’objet en cas de danger. Soit d’une dimension autistique inhérente au vivant. Dans ces conditions, alors, la proclamation de la fréquence d’un enfant autiste sur 60 demeure de l’ordre d’une sinistre plaisanterie, mais celle d’une dimension autistique humaine à 100%, de l’ordre d’une réalité existentielle incontournable !