Ne rien vouloir (en) savoir : Introduction à l’ignorance
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Ne rien vouloir (en) savoir : Introduction à l’ignorance

Le Centre Etienne Marcel a été créé en 1961, rue Etienne Marcel, à l’initiative d’un groupe de quatre personnes dont deux médecins, une psychanalyste et une pédagogue. Les circonstances de cette création sont décrites par Thérèse Tremblais-Dupré, co-fondatrice : « Ce désir commun, créer un lieu ouvert où, à travers la pensée psychanalytique et les techniques inspirées par elle, seraient écoutés et soignés enfants, adolescents et leurs parents, nous rassembla, Charles Brisset, Madeleine Casanova, Bernard This et moi-même, dans les années 1960. Nous venions d’horizons divers et d’Ecoles psychanalytiques différentes ; à une époque où les scissions d’Ecoles entraînaient des positions exclusives, notre volonté de coexistence prenait la forme d’un pari stimulant ». Parallèlement, se développait les activités d’un Centre Médico-Psycho-Pédagogique, dans lequel Françoise Dolto choisira d’ouvrir une consultation pour enfants, adolescents et leurs familles jusqu’à son départ à la retraite. Nous constatons que la psychanalyse et la pédagogie sont au cœur de la fondation du centre Etienne Marcel, et que les textes réunis dans ce numéro sont dans le droit fil de l’esprit des fondateurs. L’aspect pluriel des approches ainsi que les affiliations des praticiens à diverses écoles de psychanalyse demeurent.

L’équipe du CMPP Etienne Marcel a travaillé à la préparation d’un colloque qui s’est tenu à Paris en 2011 sous le thème, Ne rien vouloir (en) savoir, qui répond tant aux interrogations des psychopédagogues sur les difficultés des apprentissages, que sur les questionnements des psychanalystes sur la nature du savoir inconscient et ses modes d’accès, dans le maniement du transfert. Plusieurs membres du CMPP sont intervenus dans cette journée et leurs textes composent ce dossier. Des spécialistes de l’adolescence nous ont fait l’amitié de venir discuter nos contributions : Annie Birraux, Alain Braconnier, Patrick Delaroche, Jean-Louis Lerun.

Le propre de l’inconscient pourrait être circonscrit dans cette formule : ne rien vouloir savoir. Au commencement, la pulsion épistémophilique se déploie dans toutes les directions, amenant l’enfant à découvrir le monde qui l’environne. L’arbre de la connaissance est interdit, pourtant l’attraction du fruit défendu est très forte. « Et ils virent qu’ils étaient nus », est-il écrit dans la Genèse. Depuis, notre culture porte le poids de la culpabilité d’avoir voulu savoir. Mais à Vienne, Sigmund Freud découvre l’existence de l’inconscient et le point de réel incontournable : de son désir on ne veut rien savoir. Ce qui caractériserait la névrose, aussi bien infantile qu’adulte. La pratique clinique avec les enfants et les adolescents nous montre bien les problématiques liées à cette question fondamentale, aussi bien dans les aspects névrotiques que dans leurs difficultés d’apprentissage. Dans ces textes qui vont suivre, nous tentons de rendre compte, en nous appuyant sur notre clinique, des problématiques rencontrées, des abords psychopédagogiques, et du maniement du transfert toujours délicat. La résistance au changement et au savoir sur son symptôme assigne le psychanalyste à une tâche particulière. Amener le patient vers la révélation d’une vérité sur lui-même ou son symptôme dont en fait, au-delà de sa demande et de sa souffrance, il ne veut rien savoir.