Obscure clarté
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Obscure clarté

La surface et la profondeur chez Soulages - Marie Dessons

On connaît les Outrenoirs de Pierre Soulages, dont émerge une lumière, transmutée par le noir. Mais on connaît moins ses travaux de la première époque, ses « brous de noix » et ses gravures, ses eaux-fortes et ses lavis. Tout un travail de la matière première s’offre à la perception dans toute sa sensorialité, au moyen de matériaux organiques : fer rouillé, terre, goudron… On retrouve cette matérialité première dans ses gravures, dont les matrices de cuivre rongées par l’acide offrent des reflets mordorés et des aspérités qui accrochent et font vibrer la lumière. Ce travail évoque la matière première psychique et ses différents états et traitements, avec ses traces et ses inscriptions successives, et tout un jeu entre la surface et la profondeur.

Deux périodes traitent ces rapports différemment, évoluant du clair-obscur au noir-lumière. D’abord la technique du peintre fait surgir la lumière comme si elle émergeait de la profondeur, par tout un jeu de transparences, de superpositions et de raclages qui font apparaître ce qu’il y a dessous, telle l’émergence du fond blanc qui, par contraste, illumine les couleurs sombres. Soulages travaillera ensuite uniquement des « états de surface du noir », lequel devient émetteur de lumière par une alternance d’aplats lisses et de stries. Dans ces grands polyptyques noirs, l’obscure clarté émerge non pas du jeu des couches successives mais du traitement de la surface elle-même, dans son épaisseur.

Cela évoque l’évolution entre le point de vue linéaire du schéma de la stratification des traces mnésiques chez Freud (1896), où les traces premières de l’expérience sont successivement…

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