« On ne possède jamais qu’une seule mère et la relation à la mère a pour fondement un événement qui ne prête à aucun doute et qui ne saurait être répété. » (Freud, 1910) Ainsi apparaît, unique et irremplaçable, la mère freudienne des commencements, une mère en Majesté, une présence absolue, un idéal farouchement préservé. La déception par la découverte de sa sexualité trouve généralement des arrangements grâce au refoulement ou au clivage : le rabaissement dont elle pourrait être l’objet ignore la haine et la destructivité. C’est Melanie Klein qui les a traquées dans les fonds archaïques de la psyché, autorisant alors l’émergence de ce qu’on peut appeler « le courant des mauvaises mères », désormais régulièrement invoquées comme sources ou causes du mal-être, de la souffrance voire de la douleur. Ferenczi voulait que l’analyste soit la bonne mère des enfants mal aimés pour éviter que leur détresse ne se répète indéfiniment dans la cure. Être la mère ou faire la mère ? Freud, lui, choisit le père pour consoler les filles (et pourquoi pas les garçons ?) de ce que leur mère ne leur a pas donné. Entre les deux, Winnicott a découvert un autre espace, entre dedans et dehors, une autre mère, suffisamment bonne, sans pour autant dénouer l’énigme du féminin pur. Ainsi, l’idéal maternel perdure, mais les destins de la vie pulsionnelle en modifient les formes à travers des figures plurielles. L’ambivalence, la bisexualité, et les identifications qui les traduisent, découvrent toujours d’autres configurations, hétérogènes et déroutantes : une lutte constante pour apprivoiser, affronter ou effacer cette figure originaire, à la fois merveilleuse et effroyable ?
Où sont les mères aujourd’hui ? Dans quels lieux, sur quelles scènes, les composantes contradictoires des identifications et des choix d’objet peuvent-elles se déployer ? Quels écarts et quelles convergences se…
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