« Comment sort-on de la maladie grave ? »
La maladie grave, pour tout sujet qui en est atteint, constitue une double menace. L’une physiolo-gique, de part son caractère potentiellement mortel, menace cependant écartée si les traitements médicaux permettent la guérison. L’autre menace est d’ordre identitaire. Elle court depuis l’annonce diagnostique jusque bien au-delà de la guérison, puisqu’elle se traduit par le sentiment de ne plus pouvoir continuer à être ce que l’on était avant, largement intriqué à celui de ne plus avoir le corps que l’on possédait. Avant ? Avant que la grammaire médicale ainsi que les effets des traitements et des hospitalisations, n’aient opéré leur œuvre de déconstruction de l’unité somato-psychique, unité indispensable pour que le corps existe psychiquement et précieuse pour échapper aux effets de vacillements jusqu’à la déperson-nalisation quand il devient trop étranger ou persécuteur.
C’est donc parce qu’elle altère d’abord très profondément le corps, vecteur et porteur des rapports que tout sujet humain entretient avec lui-même et avec le monde, que l’expérience de la maladie grave opère une rupture dans le sentiment de continuité d’existence et l’unité narcissique, aux fondements de l’identité même. Face à une telle catastrophe narcissique, il est bien légitime alors de pouvoir se demander « comment sort-on de la maladie grave ? », première phrase de conclusion de l’ouvrage Corps d’outrance, souffrance de la maladie grave à l’hôpital de K.L. Schwering au terme d’une riche réflexion. Car envisager les conditions qui permettraient d’en sortir reviendrait à entendre ce à quoi est confronté psychiquement le sujet qui en est atteint, à « (…) étudier les conditions de la reconstruction narcissique qu’exige toute maladie grave » comme l’indique l’auteur dans l’intro-duction.
Pour ce faire,…