À l’heure des dénonciations d’abus sexuels, des comités d’éthique institutionnalisés, Michel Gribinski ose provoquer une réflexion qui ne laisse pas le lecteur au repos dans son fauteuil, tout fauteuil d’analyste soit-il. L’amour s’empêche-t-il et peut-il être viable entre analyste et patient, comme Freud se le demande pour l’amitié ? La question dérange, bien que des histoires d’amour entre analyste et patient, plutôt respectivement homme et femme, se disent davantage au grand jour. Si le titre avait été « les passages à l’acte sexuels de l’analyste », alors la chose serait plus promptement tranchée. Le lecteur aurait pu refermer tranquillement le livre, imbu de certitudes morales ou psychanalytiques. C’est méconnaître la pensée de l’auteur des Séparations imparfaites (2022), qui pousse les bien-entendus à leurs limites, pour cette fois nous parler d’amour.
C’est au vocabulaire et aux concepts condensés dans l’Abrégé(Freud, 1938), dernier legs de Freud fuyant le troisième Reich, qu’il se réfère, pour défendre la pensée psychanalytique contre certitude totalitaire ou perverse. Il nous entraîne sur un chemin étroit, au sein du pouvoir extraordinaire que le transfert du patient confère au psychanalyste. La route sinueuse est ponctuée de citations d’Alain lisant la microsociologie de Balzac(Alain, 1935), aux mille visages et mille vérités.
Le psychanalyste amoureux pourrait bien être, comme Harry dans le titre du film de Woody Allen (1997), dans tous ses états. Dans une scène mémorable, le personnage de la psychanalyste, ayant pourtant attribué les sentiments du patient au transfert, lui propose de mettre fin au traitement, de laisser passer un laps de temps et, si leurs sentiments n’ont pas changé, de commencer à se revoir. Mais si le psychanalyste ne renonce pas à rester psychanalyste ? Le tracé de Michel Gribinski traverse des zones d’ombre, qui ne sont…
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