Le psychanalyste et l’enfant

Le psychanalyste et l'enfant

Michel Ody

Editions In Press, 2013

Bloc-notes

Le psychanalyste et l’enfant

Ce livre est une réflexion sur des années de pratique d’un psychanalyste avec les enfants et les adolescents. Michel Ody est psychiatre et psychanalyste depuis plus de trente ans dans un centre pilote en psychiatrie infanto-juvénile, le Centre Alfred Binet à Paris. Cette pratique nécessite une grande rigueur méthodologique qui consiste à penser l’écart entre le modèle freudien de « la cure type » (introuvable) et toutes les autres situations de travail analytique en y intégrant les apports post-freudiens. L’appui sur la théorie n’exclut pas la poésie qui émane des récits de séances en illustration et qui témoignent de la complexité du dévelop-pement psychique de l’enfant.

Comme Michel Ody nous le rappelle, l’enfant a un appareil psychique en cours d’organisation. Sa « flèche du temps » oriente cette organisation vers la constitu-tion de la symbolisation, des sublimations, des liens sociaux. La poussée pulsionnelle de cet ensemble conduit l’enfant à s’éloigner des contenus sexuels les plus directement liés aux fantas-mes inconscients, justement en raison des élaborations symbo-liques sublimées.

Cette organisation peut être entravée et apparait un symptôme qui justifie une demande de consultation. L’enfant est accom-pagné de sa famille dans l’histoire de laquelle il est inscrit depuis toujours. Il se retrouve seul avec l’analyste dans une situation qui mobilise le fantasme inconscient de séduction par l’adulte et l’excitation libidinale qui en découle ; il va tenter de se réorganiser par un travail mental ou bien utilise des systèmes régressifs ou les deux alter-nativement.

La prise en compte de la dynamique relationnelle entre l’enfant et l’analyste est au fondement de l’évaluation clinique. Le déroulement de cette rencontre dépend des modalités d’associativité de l’enfant. Par associativité s’entendent tous les enchainements verbaux, ludiques, graphiques, comportementaux ; les changements de registre même sont signifiants et propices aux interventions de l’analyste qui liera deux éléments du matériel pour en faire émerger un troisième. L’analyste soutient l’associativité de l’enfant, lui prête son préconscient en lui fournissant les mots au plus proche de ce qui est représenté. Il fait le lien entre deux termes A et B et il advient C comme évènement nouveau, ce qui relance le processus de symbolisation. Ses interventions se situent au niveau symbolique et permettent à l’enfant d’établir des nouvelles liaisons symboliques entre ses propres représentations.
Ce travail permet à l’analyste une évaluation des modalités pulsion-nelles de l’enfant et de sa capacité à les élaborer. Cette élaboration s’effectue en fonction des interventions de l’analyste qui aide l’enfant à s’approprier ses possibilités d’expression pulsion-nelles dans leur évolutivité et leur développement. La consultation est thérapeutique du point de vue psychanalytique quand on cons-tate une relance de l’évolution de l’enfant et que s’établit un nouvel équilibre dans les interrelations avec les parents.

Si cette mobilisation ne suffit pas et que le fonctionnement de l’enfant est menacé par la sexualisation ou au contraire la rigidité des contre-investisse-ments, que le déséquilibre des éléments entre processus pri-maires et processus secondaires se répète, alors une indication de psychothérapie psychanalytique ou d’analyse se pose. Il est évident que les parents doivent com-prendre l’enjeu du traitement et l’importance des inter-investis-sements avec leur enfant car l’aventure ne sera pas de tout repos. 

Le modèle de l’associativité est commun au fonctionnement pendant la consultation et la cure analytique, l’acte interprétatif part de l’état du préconscient des deux protagonistes. En analyse, la fréquence des séances apporte par la répétition, par le levier du transfert, par l’accès à la régression la possibilité que se créent des opportunités d’inter-préter les fantasmes inconscients  de séduction, castration et  scène primitive en lien avec la sexualité infantile. Ceci alors permettra des mutations qui sont explicitées dans les exemples cliniques.

Bien des facteurs entravent le travail analytique comme le poids de la répétition et de la négativité qui oblitèrent les possibilités associatives ou détruisent ce qui pourrait être intégré. L’auteur relève aussi l’ambiguité concernant la notion de répa-ration ; s’il y a quelque chose qui répare le psychisme, nous dit-il, c’est l’élaboration pulsionnelle car elle est narcissisante. 

Le travail d’interprétation repose   « sur » et « constitue » un symbole ; c’est la qualité du rapport symbole/processus dans lequel il advient qui entraine des modifications. L’interprétation symbolique produit un effet de triangulation, cohérent avec la symbolisation, la tierceïté et la fonction d’attracteur de l’Oedipe (dans le sens d’une organisation de la complexité dans un schéma oedipien au sens classique). Tous ces concepts sont développés dans l’ouvrage. 

Pour clore l’ouvrage, nous parcourons depuis Freud jusqu’aux contemporains les divers abords du concept de préconscient, la question du préconscient ayant servi de « boussole » à l’auteur dans sa pratique généraliste, de l’enfant à l’adulte. Place du préconscient dans l’associativité processuelle et attention de l’analyste au sien propre et ses aléas dans la mouvance transfert contre-transfert.

Un ouvrage de réflexion et un partage d’expérience qui pourra intéresser tout thérapeute amené à accompagner des enfants et des adolescents.