Jacques Ascher, neuropsychiatre et psychanalyste, a travaillé longtemps dans le service d’hématologie du CHRU de Lille, dirigé par le professeur Jean-Pierre Jouet, récemment disparu, et a écrit avec lui en 2004 un livre sur La greffe, entre biologie et psychanalyse 1. Ils y faisaient le point sur ce que les greffes de moëlle posent comme questions à notre société sur les plans éthique, immunologique, psychanalytique et politique. Fort de cette longue expérience de psychanalyste dans un service de soins somatiques, Jacques Ascher est bien placé pour parler de l’histoire récente de la médecine et de son évolution forcenée vers une « biotechno-science ». Il nous rappelle avec juste raison que le point de départ de cette substanciation de l’art médical a pris un essor significatif pendant la période nazie, une des plus noires, non seulement du XXe siècle, mais de l’histoire de l’humanité toute entière.
En appui sur de nombreux auteurs, et notamment sur ceux qui se sont centrés sur la question du totalitarisme et des formes de déshumanisation, Arendt, Levinas, Chasseguet-Smirgel, il relie l’évolution actuelle avec les charniers du XXe siècle. Sa description approfondie des mécanismes à l’œuvre dans l’état actuel de la médecine fait de son ouvrage une démonstration argumentée du poids de vérité des romans de science-politique-fiction de Orwell et de Huxley, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter pour le devenir de la médecine et des rapports qu’elle risque d’entretenir avec ceux qu’elle prétend soigner. Sans négliger les immenses apports de cette médecine moderne, il nous alerte sur les dangers de la démesure/ubris qu’elle porte en elle, aussi bien au niveau des fantasmes de victoires sur la maladie et la mort, que sur ceux concernant la vie, la naissance et l’enfantement. Mais un tel projet médical ne prend pas en compte le fait fondamental pour Jacques…