Janine Altounian publie un ouvrage intitulé L'effacement des lieux. Le sous-titre - Autobiographie d'une analysante, héritière de survivants et traductrice de Freud - éclaire le projet de cet écrit qui mêle la petite histoire à la grande. L'auteur y déploie la dimension trans-générationnelle recelée dans l'intimité d'une analyse et élabore comment l'exil des générations précédentes, les traumatismes d'une histoire tue et d'un massacre longtemps ignoré impactent les subjectivités. De son histoire singulière, de sa naissance en France après le génocide arménien, de son parcours à travers la psychanalyse notamment comme traductrice de Freud aux côtés de Jean Laplanche, Janine Altounian propose une relecture à la lumière des théories psychanalytiques. L'élaboration de son histoire intime semble aller de pair avec la construction d'un chemin de pensée qui fait écho à de nombreuses situations dramatiques, tant les crimes de masse qui ont suivi le premier génocide du XXème siècle que la question de l'exil et de l'immigration qui sont d'une brûlante actualité.
Le premier chapitre s'ouvre sur le récit du retour de l'auteur dans le pays que ses parents ont fui étant enfant, l'Arménie. Elle évoque les craintes que ce voyage suscite : peur de découvrir que ce pays est aussi le sien, « un impossible pays mien » (p.32), peur de reprendre à son compte les douleurs et les pertes de ses ancêtres. Janine Altounian décrit son état, le vacillement de ses limites et la confusion temporo-spatiale, lorsqu'elle découvre les vestiges de pierres, les maisons délabrées, à l'abandon de ses ancêtres. Ce n'est pas ce qu'elle pensait trouver, il ne reste que l'effacement des lieux et ce là-bas qu'elle avait pu imaginer ne se trouve en réalité dans aucun ici. Le corps s'identifie à ces corps de pierres effondrés qui suscitent l'effroi. Ces pierres…