Les pères encombrants

Les pères encombrants

Patrick Avrane

Editions Puf, 2013

Bloc-notes

Les pères encombrants

Certains pères pèsent lourd sur le devenir de leur progéniture et entravent leur existence. C’est ce que montre Patrick Avrane dans cet ouvrage. Il fait appel pour sa démonstration à des biographies de personnages célèbres tels Jules Verne ou Sigmund Freud, à des héros ou héroïnes romanesques dont Lasthénie de Ferjol, qui a donné son nom à un syndrome (anémie auto-provoquée), et aux histoires de patients qu’il a eu à traiter.

Mais qu’est-ce qu’un père « en-combrant » ? Il peut prendre l’aspect de l’absence, comme celui de Patrick Modiano qui a l’art  dans ses romans de « remplacer une dérobade par une présence ». « C’est ainsi que les rues, les boulevards, les ronds-points, les marques d’automobiles, les noms de personnages, deviennent (… ) des représentants du père, ce qui permet (…) de se repérer.»

Il est parfois célèbre comme Jules Verne dont le fils, Michel, paya un lourd tribut à la renommée de son père. En effet, très occupé par ses romans, Jules Verne attend de son fils qu’il le laisse tranquille et bien sûr c’est le contraire qui se produira. Elevé dans l’absence de limites Michel Verne, confronté à un père incapable de tenir son rôle, devient un enfant souffreteux, un adolescent difficile qui sera placé en colonie pénitentiaire puis emprisonné jusqu’à ce que son père, par mesure de correction, l’envoie sur un bateau en partance pour Calcutta… sans résultat ! L’auteur prolifique, pour construire ses royaumes et conserver sa célébrité, (…) quitte la réalité au profit du monde fantasmatique. Il devient un père encombrant pour son fils dans la mesure où la paternité effective l’encombre.

Il peut, une fois disparu, s’incarner aux yeux de sa femme dans leur enfant c’est le père encombrant idole. Lasthénie de Ferjol, héroïne de Barbey d’Aurevilly, adorée par sa mère parce qu’elle ressemblait à l’homme qu’elle avait aimé en est un exemple littéraire. Séduite par un prédicateur, Lasthénie dénie sa grossesse et perd l’anneau de son père que sa mère lui avait donné. Lasthénie est adorée par sa mère, plus épouse que mère, uniquement parce qu’elle représente le père disparu idolâtré, elle n’a aucune existence propre. Elle sombre dans l’apathie, accouche d’un enfant mort et meurt. Sa mère lui découvrira
dix-huit épingles plantées dans la région du coeur.

Et que dire de la présence quelque peu encombrante de Freud auprès de sa fille Anna qui se fera psychanalyser par son « Papa » et ne se mariera jamais ? A travers tous ces récits se dessinent donc différents modèles de pères encombrants mais on aurait aimé en découvrir un peu plus sur les pères ordinaires si tant est qu’il en existe.