On ne se trouve certes pas dans le meilleure conjoncture possible où se réclamer d’une certaine radicalité. J’allais pourtant user de ce terme pour qualifier la position d’un auteur qui, tout au long de son œuvre, c’est-à-dire pendant presque soixante années, est demeuré fermement attaché à une méthode - celle de la psychanalyse freudienne - sans que cela l’empêche de faire des contribu-tions importantes et originales au champ que la méthode délimite. J’aurais donc parlé dans son cas de radicalité au sens où il s’agit d’une œuvre qui puise à la racine même de la psychanalyse. Or, comme le terme a, par ces temps confus, mauvaise réputation, je me résous, sans pourtant accuser aucune perte, à parler plutôt de « psycha-nalyse originaire ». Cela, pour évoquer une couche génératrice, jamais épuisée, de pensées et de pratiques ayant les qualités essentielles de ce qui, avec Freud, a fait brèche en son temps dans le domaine de la psychologie de la conscience.
La psychologie au temps de Freud était certes vivante, mais à ne s’en tenir tautologiquement qu’aux phénomènes conscients - sans disposer, pas plus qu’aujourd’hui d’ailleurs, d’une quelconque théorie valable de la conscience -on pourrait dire qu’elle somnolait d’un sommeil dogmatique. Aujourd’hui, plus d’un siècle de psychanalyse s’étant écoulé, un autre sommeil menace : un sommeil dont la psychanalyse « originaire » comme la pratique et la pense Michel de M’Uzan est susceptible de nous réveiller. C’est un sommeil dans lequel la psychanalyse tombe inévitable-ment, par cycles, lorsque s’empare de ses praticiens ce qu’on pourrait appeler la fatigue métapsycho-logique. J’entends par là une tendance qui guette toujours et qui pousse la psychanalyse à se fixer en diverses « psychologies psychanalytiques » lorsqu’il semble trop risqué ou pas assez scientifiquement respectable de recourir…