Elles ont à peine pris place dans le bureau de Muriel Flis-Trèves qu’elles lui parlent du temps. Pas de celui qui amène la pluie ou le soleil : celui qui voit s’égrener les années, les mois, les semaines. Si elles en parlent, c’est parce que dans cette enceinte bienveillante, elles se sentent autorisées à avouer ce qui peut paraître naïf, voire léger : elles ne l’ont pas vu passer, elles n’ont pas ressenti son urgence, compris son caractère implacable. Or il se trouve qu’à ce stade de leur vie, elles ont décidé, comme un sursaut d’énergie, de ne plus se laisser porter et de réagir… parce qu’il est temps, justement. Elles approchent ou ont dépassé la quarantaine, un désir aussi nouveau que puissant s’impose à elle : celui d’être maman.
Psychiatre-psychanalyste parisienne, auteure de nombreux essais, Muriel Flis-Trèves nous invite dans son dernier ouvrage Pourquoi viens-tu si tard ? à pénétrer dans l’intimité de ses consultations, celles des maternités tardives. Elle nous mène à la rencontre de ces femmes matures pour qui soudain le mot urgence devient impérieux. Pourquoi ? Quel est le déclic qui les pousse à braver l’obsolescence programmée de leur anatomie ? L’âge ? Une rupture ? Une nouvelle histoire sentimentale ? La sensation de finitude ? L’envie de transmettre enfin ? Un peu de tout cela et d’autres raisons encore. Ces « late bloomers » (Taret, 2017) ont des personnalités, des enfances, des chemins professionnels et sentimentaux différents. Elles se racontent avec une lucidité telle qu’elles échappent à tous clichés. Elles ont en commun, qu’elles soient rêveuses ou l’archétype de la « célibattante » terre à terre incapable de souffler, d’être des femmes du xxie siècle. Sans être expertes en médecine, elles savent bien que la technique a fait des progrès, que même si les aiguilles de leur horloge biologique commencent à ralentir,…