Non, le crime gratuit n’existe pas pour l’inconscient… C’est ce que nous montre brillamment Gérard Bonnet à travers le récit de la psychanalyse d’un meurtrier. Quatorze ans après une première publication aux PUF, l’ouvrage, qui reparaît chez Payot n’a rien perdu de son actualité. L’auteur y relate les détails d’une cure bien particulière. En effet, le meurtrier, Didier, a poignardé sauvagement dans le ventre sa voisine, une vielle dame qui ne lui avait fait aucun mal, sans raison apparente. Didier est reconnu irresponsable et dangereux et est interné en hôpital psychiatrique.
Au bout de dix années d’enfermement, à la suite de lectures, il demande à rencontrer un psychanalyste, ce qui lui est accordé. Ces rencontres ont lieu plusieurs fois par semaine sous bonne garde dans le dispensaire où travaille Gérard Bonnet.
« Didier voudrait en effet, soigner certaines difficultés sexuelles, impuissance passagère, éjacu-lation précoce, qui viennent régulièrement perturber ses relations avec les femmes à l’intérieur de l’institution… ». Surprise du thérapeute qui s’attendait plutôt à ce qu’il évoque des problèmes liés à l’enfermement, au meurtre, à la séparation d’avec les siens.
Rêves, actes manqués vont se succéder pour permettre une compréhension de ce geste en apparence si fou. La reconstitution dans l’analyse va permettre aux deux protagonistes de la cure qui va durer quatre ans, de comprendre qu’en réalité, à travers la voisine, c’est la mère du père, une grand-mère inconnue de lui et que son propre père a reniée qu’il a mise à mort… A travers ce meurtre, il réussit symboliquement le meurtre du père, lui vole sa place et son pouvoir.. » Mais, comme ils le découvriront au fur et a mesure de l’évolution de la cure, « cet acte n’aurait pas pris de telles proportions si Didier n’avait pas souhaité un jour la mort de sa mère enceinte et complètement refoulé ensuite cette idée ». Culpabilité, remords vont alors faire leur apparition chez cet homme qui semblait en être dénué. Puis, le comportement de Didier va changer au sein de l’institution, ce qui va conduire les médecins à l’autoriser à sortir sous certaines conditions.
A lire la description passionnante de cette cure peu banale, on se prend à rêver que chaque prisonnier puisse avoir accès autant que possible aux motifs inconscients de ses actes. Une réponse différente au « tout répressif » prôné par certains ?