Étudier les effets d’un symptôme convoquant avant tout le regard au moyen d’une enquête ethnographique : voilà un positionnement inhabituel pour un clinicien se référant à la psychanalyse. C’est pourtant le pari réussi d’Adrien Cascarino, qui publie sa thèse de doctorat aux éditions Érès sous le titre Scarifications. L’adolescent, les parents et les soignants face à l’insupportable.
Le livre est porté par un trait créatif inaugural consistant à retourner le regard porté sur les adolescents scarificateurs vers ceux et celles qui observent lesdites mutilations corporelles : « Une alternative à cette représentation des scarifications comme la conséquence d’un fonctionnement psychique déficitaire est de situer plutôt le déficit du côté de l’observateur » (p. 37). Quiconque a déjà été saisi par l’image de cicatrices sur un bras ou une jambe pourra se retrouver dans le positionnement qu’Adrien Cascarino réfute d’emblée : celui consistant à se demander avec insistance ce qui a bien pu se passer pour cet.te adolescent.e, habile façon pour l’observateur de se détourner des tourments internes provoqués en lui par la vue qui s’impose, mais qu’il ne quitte pas non plus des yeux.
Scarifications, même si cela n’est pas son but premier, se pose d’abord comme un livre questionnant ce que le milieu psychanalytique a fait de ce symptôme particulier. L’auteur démontre avec brio comment les pratiques de scarification n’ont pas échappé à des tentatives d’interprétation frisant le mépris envers les patients, et surtout les patientes. L’on aurait d’ailleurs aimé que l’auteur approfondisse son analyse critique des sources recueillies pour ses chapitres théoriques, car derrière le terme générique de littérature « psychiatrique et psychanalytique » semblent se retrouver des courants anglophones et francophones dont les divergences quant aux conceptions de la thérapeutique sont profondes, et ancrées dans une histoire des théories psychanalytiques que…
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