Passé recomposé
Éditorial

Passé recomposé

A qui donc s’adressait François Mitterrand lors de son émouvante interview télévisée de septembre ? A ses électeurs troublés par la publication du livre de Pierre Pean ? Aux Français prompts à oublier les brûlures de leur histoire ? Ou au mémorialiste chargé de dresser la statue future du chef de l’état ? Chaque téléspectateur se sentit tour à tour juge et confesseur. Convoqué au tribunal de l’histoire, il accompagnait, ce soir-là, dans sa lutte, l’homme qui au seuil de la mort comme du parcours politique, tourne son regard vers le passé. « Une jeunesse française » en vérité, avec ses zones d’ombre et d’oubli, ou comme certains l’écrivent ses refoulements voire ses dénis. Ce face à face avec François Mitterrand est aussi celui d’un pays avec lui-même, d’une génération avec celle qui la suit. Comment les enfants du présent peuvent-ils vivre le passé de leurs aînés si celui-ci ne leur est pas « réellement » transmis ? Mais l’histoire ne saurait être linéaire, elle est faite de ses réinterprétations successives. Le passé est toujours à construire, il est passé recomposé. Et ces après-coup de l’histoire révèlent ce que l’histoire elle-même avait jusqu’alors occulté, refoulé, dénié. Une page se tourne, et une mémoire nécessaire construit le présent comme elle prépare le futur. Une nouvelle revue paraît, informant le lecteur des efforts comme de la diversité du présent. En le rendant plus informé, elle veut transmettre l’avenir.