La haine n’a jamais été aussi présente sur la scène sociale et intime de chacun. Dans la clinique, nous constatons une dégradation des modes d’adresse à l’autre, un langage irrespectueux, voire insultant, souvent dès le plus jeune âge.
Dans les familles, les institutions scolaires ou soignantes, une déliquescence des liens est à l’œuvre qui vire à l’agressivité, la violence ou la haine. Dans ce monde où certains prônent l’exclusion de l’autre du fait de sa différence, comment des enfants et des adolescents peuvent-ils se construire ? Si l’on postule que la haine est première dans la construction de la psyché et antérieure à l’amour, une autre haine, destructrice celle-là, s’inscrit à même la structure psychique et s’entend dans les discours de nos patients, petits ou grands. Ainsi les pathologies narcissiques et les états limites se caractérisent par une haine qui se met en acte. Sans compter l’émergence plus récente d’adolescents habités par la haine et le passage à l’acte, meurtrier et destructeur, sous un alibi religieux.
Comment, face à ce constat assez déprimant, œuvrer au travail de la civilisation, remettre en marche l’amour de l’autre, la créativité ou la sublimation ? « L’hainamoration », pour reprendre le néologisme de Lacan, laisse entendre ce que Empédocle avait souligné en son temps. L’amour possède son envers, la haine, comme en témoigne le devenir de certains couples. Si le doute habite l’amour, la haine, elle, se nourrit de certitudes. Est-il possible de faire barrage à la haine, à la destructivité et aux guerres ?
Ne pouvoir agir au niveau sociétal ne nous empêche pas de prendre soin du sujet souffrant dans sa singularité. Cela relève de la responsabilité de tous les thérapeutes et de tous les analystes, de leur positionnement éthique.
Didier Lauru, psychanalyste
Dernier livre paru, De la haine de soi à la haine de l’autre, Albin Michel