Principes et éthique du soin
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Principes et éthique du soin

Colloque organisé par la Société Française de Psychiatrie, Paris – 12 mai 2006.

Le colloque organisé dans la Salle Colbert de l’Assemblée Nationale, par la Société Française de Psychiatrie, a proposé un espace de propos représentatifs de positions non consensuelles sur l’exercice de la psychiatrie, qui ont pu se tenir dans une ambiance sérieuse et respectueuse. A. Green rappelle d’abord délicatement mais fermement, l’indispensable présence d’un « autre » auprès du patient ; c’est par cette rencontre intime que lui sera offerte la possibilité de redonner sens, de réfléchir à son rapport au monde. J.P. Le Coz a rappelé la qualité « naturelle » de la crise en psychiatrie, la différence philosophique entre déontologie et éthique, la tension entre respect de l’autonomie et devoir de bienfaisance auprès d’un « autre » (alienus) qui cherche un lieu de séjour (ethos). Agrémenté du « danger de la contamination technique » ce cours de philo, tout rond, tout lisse a vu le Professeur s’éclipser, laissant la classe poursuivre ses rencontres. « Le médecin cherche à trouver ce qu’il connaît, quelque soit le caractère émouvant du soin, le psychiatre doit d’abord accueillir et donc entendre ce qui l’inquiète » ponctue A. Green. « Nous sommes tous médecins, le psychiatre n’est pas à part », reprend P. Cressard, Président de la Section Ethique et Déontologie, du Conseil National de l’Ordre. L’ éthique impose le respect de l’individu dans sa possibilité à disposer de lui. La déontologie relève d’un pouvoir politique qui impose les principes des pratiques. Dans le contexte actuel les préoccupations tournent autour de la disparition du secret médical compte-tenu des dérogations de « bonne volonté » de plus en plus nombreuses, du rôle imposé à la psychiatrie de « gardien de l’immeuble société » dans une fonction de prévention/dépistage/interdits.

Nous avions entendu les voix de la clinique, de l’éthique et de la déontologie, c’est à celles de la politique qu’il est revenu de se faire entendre. Mentionnant discrètement qu’ « ailleurs c’est différent » (monde anglo-saxon), P. Dosquet de la Haute Autorité de santé a posé cette question « La psychiatrie est-elle incommensurable. à la Based Evidence Medecine ? » (Médecine des preuves). Il faut pouvoir mesurer, évaluer, identifier. par exemple sur l’effet placebo. Il faut une démarche scientifique pour aborder les fondements des pratiques. Cela ne peut être fait qu’en collaboration avec les professionnels.

« La Société Française de Psychiatrie a, au travers du Livre Blanc de la Psychiatrie (2002) et des Etats Généraux de 2003, largement contribué à la mise à plat de la spécificité de la psychiatrie. Les engagements ministériels de soutien à la poursuite de ce travail, n’ont pas été tenus », rappelle J.F. Alliaire. « Il y a une spécificité de la psychiatrie qui n’est pas une exception mais un modèle. » poursuit B. Lachaux. Un patient est irréductible à des échelles. Certaines disciplines médicales sont purement techniques et délèguent aux paramédicaux qui en réclament la légitimité, la prise en charge globale. Reprenant des études anglo-saxonnes, B. Lachaux en pointe les biais, les limites de l’enseignement ; « ce qu’on a voulu réduire réappparaît. C’est le protocole qui fait effet et non le médicament. » C’est l’effet placebo. La Based Evidence Médecine est complémentaire d’une pratique. La psychiatrie est requise pour intervenir comme cataplasme d’une société socialement délitée, elle est de plus en plus dispensatrice d’avantages sociaux. Pour Ch. Desjours, Professeur au C.N.A.M., le soin est une action et non une science appliquée. En s’appuyant sur les apports philosophiques d’Habermas qui relèvent les tensions entre rationalité et accomplissement de soi, il pointe combien les conflits entre demande pratique, demande sociale et demande subjective, obligeront à négocier un compromis « au mieux », qu’Habermas fait reposer sur la rationalité communicationnelle : que chacun puisse se faire entendre.

Actuellement trois écueils majeurs dans la praxis en psychiatrie à la mise en place raisonnée d’ un tel processus : le consentement éclairé, le lien entre la Based Evidence Medecine et la culture, et la mise en place de l’Evaluation qualitative des Performances qui obéit à des exigences gestionnaires. Pour y remédier, trois pistes de validation de pratiques, la mise en place d’espaces de délibérations collectives et interactionnelles, la délégation de compétences de droit aux soignants par les autorités administratives, une formation en psychiatrie qui se renouvelle par la philosophie.

Espace de délibération citoyennes ou bac à sable ? interroge V. Kapsambellis qui relève qu’il revient au psychiatre d’être le représentant des forces de vie. Cette journée a permis d’éclairer la question introductive de Christian Vasseur : « Psychiatrie, qu’as-tu fait de ton talent ? ».