Introduction
L’évolution des techniques de réanimation a conduit les services de néonatalogie à prendre en charge des bébés de plus en plus petits et de plus en plus prématurés. Dans ces réanimations extrêmes, les enjeux vitaux de ces bébés prématurissimes sont au premier plan durant de longues semaines et l’alimentation est assurée par le biais d’une sonde dite de gavage. C’est après cette première zone de danger vital que l’alimentation active devient, avec le poids, la dernière étape à franchir avant la sortie du service. Pour le bébé il s’agit alors de parvenir à réinvestir une sphère oro-pharyngée agressée par les soins, de ressentir le désir de manger là où la passivité et le plein régnaient, de se nourrir et d’en éprouver du plaisir, en somme de poser les bases d’un développement harmonieux pour les années à venir.
Conscients des effets iatrogènes des techniques de réanimation, la plupart des services de néonatologie font intervenir un psychomotricien ou un orthophoniste pour une prise en charge spécifique. Malgré ces démarches, les interrogations sur l’alimentation sont encore souvent plus celles du combien que du comment. Une bonne oralité est celle qui permettra au bébé de boire toutes ses quantités et de sortir rapidement du service, en réduisant au maximum cette période parfois encore nommée « élevage » où plus aucun soin médical n’est requis. « Gavage », « élevage », les termes parlent d’eux-mêmes sur les présupposés inconscients qui président à l’alimentation d’un bébé hospitalisé : il serait un être passif, devant s’animer sur commande (et de manière performante) dès qu’il atteint l’âge théorique de l’autonomie alimentaire, autant dire en se soumettant au désir d’un autre.
Or, la clinique nous montre chaque jour combien ces êtres, encore si immatures…