Gérard Neyrand est sociologue et travaille depuis plus de quarante ans sur les articulations entre l’intime et les dispositifs sociaux-politiques, notamment dans la lignée de Karl Marx, Michel Foucault et Georgio Agamben. Ses thèmes de recherche sont les corps, les liens régulés, normés, surveillés et construits, laissant de faibles marges de résistance et d’inventions subjectives. Il pratique une sociologie très tournée vers la psychologie et s’est intéressé à la parentalité et à la petite enfance, traversés selon lui par les avatars du néolibéralisme. Il nous accorde cet entretien à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage intitulé Critique de la pensée positive. Propos recueillis par Damien André, Violeine Ardagna et Frédérique Anne Ray.
Carnet Psy : Votre dernier ouvrage se situe dans la continuité de votre œuvre mais semble en même temps ouvrir de nouveaux chemins. Pourriez-vous nous raconter la genèse de ce livre, ses influences, et ce qui a fait sa nécessité ?
Gérard Neyrand : La genèse du livre s’ancre dans la présence de plus en plus envahissante du marketing et du discours de la marchandise, notamment la marchandisation de la parentalité qui passe par la prolifération des conseils aux parents sur les réseaux sociaux et la promotion des coachs parentaux. Cette idéologie vante les bienfaits d’une éducation et d’une parentalité « positives » oubliant l’importance des interdits pour le développement optimal de l’enfant, tout comme l’importance des sanctions éducatives. Pour les remplacer, ce sont des conseils, si ce n’est des injonctions, impossibles à mettre en œuvre et véritablement contre-productifs par rapport aux objectifs affichés de bienveillance. Ce discours à double détente me semble extrêmement pernicieux, tant pour l’éducation à la citoyenneté, submergée par les injonctions consuméristes et la promotion d’un sujet néolibéral, que pour la formation…
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