« L’humour… n’est pas sans la sympathie. C’est vraiment le « sourire de la raison », non le reproche, ni le dur sarcasme. Alors que l’ironie misanthrope garde par rapport aux hommes l’attitude polémique, l’humour compatit avec la chose plaisantée ; il est secrètement complice du ridicule…» et j’ajouterai de l’angoisse. Peut-on en effet associer ici Vladimir Jankélévitch, l’auteur de cette définition de l’humour et Sigmund Freud qui faisait de l’humour la meilleure défense du Moi.
Quel plaisir d’avoir assisté à une « troisième mi-temps » d’un colloque sur la pulsion au cours de laquelle (pas la pulsion, la troisième mi-temps), Didier Anzieu avait ravi l’auditoire par son humour si intelligent et si élégant. Quel plaisir d’avoir assisté à un échange si amusant entre Pierre Fédida et Roger Misès, le premier s’étant adressé au second en disant « cher Pierre Misès » et le second, ayant pris son temps, s’étant alors adressé au premier en disant « cher Roger Fédida ». Ils avaient ri et fait rire les 1200 participants de cette rencontre consacrée au narcissisme. Quel plaisir, d’avoir écouté Michel Soulé s’identifiant au bébé tétant le sein de sa mère et traduisant en mots tout ce qu’un bébé peut penser de ce signifiant qui du coup n’avait plus été si énigmatique que cela. Le raisonnable, la réflexion, l’intelligence, la sensibilité n’excluent pas le sourire.
Peut-on en ces temps assez difficiles savoir nous protéger de nos appréhensions, sans nous replier sur nous-mêmes mais au contraire en vivant pleinement et en transmettant, comme l’ont fait les meilleurs de nos maîtres, le plaisir que nous procurent nos métiers.
Alain Braconnier vient de publier Protéger son soi pour vivre pleinement (Ed. Odile Jacob)