Les deux auteures partagent un axe de recherche relatif à la construction psychique du lien dans la relation éducative, ainsi ce texte s’intéresse aux phénomènes de dépassement, d’éclatement des limites que produisent certains agirs adolescents dans les institutions éducatives. Il croise nos regards sur deux situations cliniques construites à partir de données (rapports éducatifs, entretiens et courriers des jeunes) issues de la pratique professionnelle de l’une des co-auteures, Narjès Guetat-Calabrese.
Zohra : « je pars, mais je ne vous quitte pas »
Zohra1, 17 ans, est confiée à un Service d’accueil d’urgence de la Protection de l’enfance suite à des maltraitances répétées de la part de son frère aîné, puis prise en charge dans un service d’accueil de jeunes majeurs. Elle bénéficie d’un hébergement en colocation avec une autre jeune femme, Éléna. Les deux jeunes femmes ne se quittent plus, entreprenant toutes leurs démarches ensemble. Zohra investit rapidement le travail éducatif, cherchant l’aide et le soutien dont elle a besoin pour, dit-elle, se poser et déposer ses colères, ses peurs, ses douleurs. Cependant, chacune de ces prises en charge est ponctuée par des fugues plus ou moins longues au cours desquelles elle disparaît et se met en danger, mais revient toujours, conservant dans son errance le lien avec la structure éducative. Progressivement, les deux jeunes femmes ne gèrent plus leur logement ; les plaintes de la part du voisinage se multiplient et conduisent l’équipe éducative à mettre un terme à leur colocation. Zohra est alors « déplacée » dans un nouveau logement avec une nouvelle colocataire. Elle s’éloigne à nouveau quelques jours et s’immobilise, consomme des stupéfiants, n’entreprend plus de démarches et vit sa nouvelle colocataire comme une intruse. Elle semble rattrapée par le deuil non fait de sa mère dont…
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