Je n’avais jamais aimé les supervisions. Jeune analyste lacanien, j’y avais vite renoncé, préférant échanger avec des camarades embarqués dans l’aventure, et avec lesquels on pouvait appeler un chat un chat. Les supervisions qui m’étaient proposées étaient trop pauvres par rapport à ma cure, elles me donnaient une désagréable impression de surveillance des « bonnes pratiques » dans une atmosphère de soupçon (ce garçon est-il assez analysé ?), sans aucun esprit de recherche ni l’ombre d’un soupçon de frémissement d’authentique passion. Je ne supportais guère ces grandes têtes molles promues, à l’ancienneté, arbitres des élégances et dont nul ne savait, sinon par ouï-dire, comment eux-mêmes ou elles-mêmes travaillaient, ni avec quel succès. On l’ignore d’ailleurs toujours. Ajoutez à cela un trait plus philosophique : la conviction, que je conserve, et que je répands même autour de moi avec libéralité, que si la psychanalyse a bien, dans les faits, la consistance que l’on prétend, alors des gens rigoureux et honnêtes aux idées assurément très différentes, voire complètement désarçonnantes, m’en apprendraient bien davantage que ce que faisaient craindre les anathèmes et autres réfutations scandalisées dont on est bombardés à longueur de temps. C’est dans la plus grande variation que l’on met à l’épreuve la véritable constance. J’imaginais donc progresser en allant frotter ma pratique à des avis inspirés par tout autre chose que ma formation initiale.
J’ai donc consulté, il y a plusieurs années, Antonino Ferro à Milan puis à Pavie, environ dix-huit mois, un mercredi par mois – en français, parfois un peu en anglais, puisque je travaille aussi dans cette langue. Les séances ont été de durée variable, des cinquante minutes de la séance API¹ habituelle à deux heures et plus, en fonction de sa disponibilité et des problèmes soulevés. Je payais en fonction du…
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