Une perspective dans la durée. Résultats à long terme des psychanalyses et des psychothérapies de longue durée
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Une perspective dans la durée. Résultats à long terme des psychanalyses et des psychothérapies de longue durée

Il n’est pas nouveau pour qui que ce soit dans la communauté psychanalytique que la psychanalyse subit actuellement une forte pression de la part de l’environnement non-psychanalytique. Pour nous, qui pensons qu’une psychanalyse vaut souvent la peine d’être entreprise, cette pression est certainement frustrante et douloureuse. Cependant, nous devons admettre que cette douleur est, dans une large mesure, de notre fait. La vérité est que nous, en tant que psychanalystes, avons échoué collectivement à faire des efforts suffisants pour démontrer de façon rigoureuse la valeur de notre pratique.

Pour être exact, il y a, parmi les psychanalystes, quelques exceptions à cette attitude négligente vis-à-vis de la recherche systématique. Le projet Menninger reste toujours l’une des tentatives les plus ambitieuses pour évaluer la valeur de la psychothérapie psychanalytique et de la psychanalyse (Wallenstein, 1986). Les résultats obtenus pour chacune de ces formes de traitement n’étaient pas très concluants et les différences entre les deux virtuellement nulles. Il y a également eu quelques essais dans les cercles analytiques ; Bachrach et ses collaborateurs (Bachrach, Galatzer-Levi, Skolnikoff et Waldron Jr. 1991) en ont fait une revue exhaustive il y a quelques années. Ils ont conclu que les taux d’amélioration se situent dans l’intervalle de 60 à 90 %, mais il faut admettre que cette estimation est très incertaine, sinon carrément non fiable, parce que la méthodologie utilisée était généralement insuffisante ou très insuffisante.

Le mieux que l’on puisse dire à propos de ces études est qu’elles avaient réuni un nombre de patients inhabituellement grand pour une étude de résultats, et qu’elles avaient pris en compte un suivi inhabituellement long, souvent cinq à dix ans ou plus. Un suivi de longue durée est généralement une qualité, mais dans ce cas il est devenu une faiblesse majeure, parce que les améliorations furent estimées généralement dans un second temps par les analystes – qui souvent n’avait pas eu de contact avec leurs patients après la fin du traitement – ou par leurs superviseurs, qui pouvaient avoir oublié l’ensemble du sujet dans de nombreux cas. Ce qui augmente encore l’incertitude est le fait qu’ils utilisaient souvent des échelles d’évaluation « faites maison » de validité et fiabilité inconnues. Fisher et Greenberg résument cela, dans leur livre récent, Freud Scientifically Reappraised, de la façon suivante, « en fait, il n’y aucune étude sur la psychanalyse comme traitement qui ne puisse être écartée à cause de données sérieusement contaminées ou douteuses. Les différentes études sont toutes imparfaites d’au moins une des façons suivantes : une confiance totale sur des cas traités par un seul praticien ; le manque de démonstration qu’un traitement standard fiable (psychanalyse) a été réellement mis en place ; l’absence d’un groupe de contrôle sans traitement ou traité autrement ; la participation à l’étude de psychothérapeutes sans expérience ; dans les rares études comparatives, l’incapacité d’affecter les patients au hasard à différents types de traitement ; comme seule mesure de l’efficacité du traitement, le recours fréquent à des taux de réussite potentiellement non fiables donnés par les thérapeutes eux-mêmes ou issus de leurs notes » (Fisher et Greenberg, 1996, p.201).

La chose intéressante à propos de cette citation est que Fisher et Greenberg sont à la fois pleins de sympathie vis-à-vis des psychanalystes et cependant très critiques en appliquant à leurs résultats ce que l’on appelle parfois le « standard d’or » de la recherche sur les résultats cliniques. Les exigences de ce « standard d’or » sont que les patients doivent être répartis au hasard dans les groupes de traitement, qu’il s’agisse de groupes de thérapies à comparer ou de groupes de thérapies et de groupes non-traités, et que les traitements appliqués doivent être strictement contrôlés et vérifiés de telle façon que l’on puisse être sûr que le traitement en question a été réellement délivré de la façon qui était prévue. Ceci en conséquence nécessite un entraînement des thérapeutes complètement standardisé, adhérant de façon très précise à un manuel de thérapie.

Malheureusement, il ne sera jamais possible dans une étude sur les résultats de la psychanalyse, de la conduire de façon à satisfaire ces exigences. Ce n’est pas seulement parce que la psychanalyse ne pourra jamais être réglementée sans cesser d’être de la psychanalyse ou parce que l’on ne peut espérer que les psychanalystes en général acceptent d’être réglementés ; c’est aussi parce que de tels degrés de contrôle sont inévitablement impossibles pour des durées aussi longues que celles des psychanalyses type. Non seulement nous aurions à contrôler l’adhésion des analystes pendant des années, mais si nous avions un groupe de contrôle sans traitement, nous aurions aussi à contrôler l’adhésion des patients non traités à ces conditions. Ou, si nous avions un groupe de traitement comparatif, nous aurions à obliger les patients à rester dans leurs thérapies respectives durant la totalité du projet, sans oublier que nous aurions besoin de leur accord pour accepter l’obligation d’un traitement choisi au hasard au début.

Ce n’est pas un plan réaliste. Les patients surveillent activement leur thérapie, les interrompent lorsqu’ils ne sont pas satisfaits et en cherchent d’autres, nouvelles. De ce fait, comme certains théoriciens le prétendent (Munford, Schlesinger, Glass, Patrick et Cuerdon (1984) et Seligmann (1995) par exemple), le choix et la sélection personnelle par le patient prennent part et font partie de la psychothérapie et de la psychanalyse, non seulement au commencement mais tout au long de leur traitement, c’est-à-dire, en choisissant de rester dans le traitement et d’aller aux séances journalières, jour après jour.

Le fait qu’une procédure et un contrôle stricts soient d’autant plus difficiles à exercer que le traitement est long est probablement la raison la plus scientifique pour laquelle les chercheurs en psychothérapie, comme leurs collègues en psychanalyse, ont échoué collectivement à étudier systématiquement les résultats de traitement de longue durée. Si nous prenons la revue faite par Graw (Graw, Donati et Bernauer, 1994) comme source de référence, pas plus de 7 % des études ainsi appelées thérapies psychodynamiques ne concernent des thérapies de plus de deux ans.

Un autre problème important est celui du suivi ultérieur. Parmi les études de thérapies psychodynamiques rassemblées par Graw, 13 % seulement ont comporté un suivi de plus de deux ans. Il est vrai que Nicholson et Berman (1983), dans leur méta-analyse, proposent l’absolution en concluant que le résultat est si stable que le suivi ultérieur n’est pas réellement nécessaire dans l’évaluation de la psychothérapie. Cependant Smith, Glass et Miller (1980) ont de leur côté trouvé une relation négative manifeste entre l’intensité de l’effet et le temps de suivi jusqu’à 2 ans.

Kasdin (1994) lui aussi a signalé des résultats indiquant qu’à la fois les effets absolus et relatifs pouvaient varier au cours du temps, et Shapiro et al. (1995) ont récemment indiqué que les différences de résultats parmi différents types de thérapies et différentes durées changeaient avec la longueur du suivi entre trois mois et un an.
On doit s’attendre à cela, parce qu’on doit admettre que les résultats du traitement sont en eux-mêmes un processus, dans le sens qu’ils changent au cours du temps et après la fin du traitement, à cause des processus autonomes internes du patient, construits et mis en mouvement pendant la thérapie. Les interviews répétées et les tests projectifs faits à l’Institut de Psychothérapie à Stockholm avec des patients pendant les six premiers mois après la fin du traitement montrent que les processus post-thérapeutiques peuvent être aussi volatiles que le processus thérapeutique lui-même, et tout peut arriver en terme de haut et de bas, d’espoir et de désespoir, de transfert de haine et d’amour, d’anxiété de séparation et de dépendance, et de désaveu, etc.
Ainsi les généralisations sur les résultats de la psychothérapie sont essentiellement basés sur des recherches à partir de thérapies brèves, avec ou sans suivi, ou des suivis tout à fait courts. De telles généralisations prennent le risque d’être tout à fait fallacieuses lorsqu’il s’agit de véritables psychanalyses ou psychothérapies. Des études de psychothérapies réellement de longues durées, avec un suivi après traitement également long sont fortement nécessaires. Et comme des protocoles cliniques prospectifs bien contrôlés, répartis au hasard, peuvent s’avérer impossibles à mener dans des conditions naturelles, nous devons saisir les opportunités telles qu’elles se produisent naturellement, et en tirer le meilleur parti.

Fondements du STOPPP

En 1988, les autorités sanitaires en Suède décidèrent de subventionner les psychanalyses et les psychothérapies de longue durée menées par des praticiens privés non médecins. Ici, nous définissons une psychanalyse, formellement, comme comportant trois à cinq séances par semaine avec un membre de l’une des deux sociétés psychanalytiques, et une psychothérapie comme comportant une à trois séances par semaine avec un psychothérapeute agréé. La subvention de l’analyse ou de la thérapie était limitée à une durée de trois ans, mais le traitement lui-même ne l’était pas : les patients pouvaient obtenir une prise en charge subventionnée même s’ils étaient dans une thérapie en cours, et libres de continuer à la financer par d’autres moyens après expiration du subside. De 1990 à 1993, de 70 à 140 traitements furent subventionnés annuellement à partir d’une liste d’attente qui était parfois supérieure à 1100 personnes.

Le groupe de recherche à l’Institut de Psychothérapie du Conseil du Comté de Stockholm se vit assigner la tâche d’étudier, en accord avec les objectifs des autorités de l’assurance maladie, s’il était possible de discerner des effets bénéfiques des traitements proposés.

Méthode

Comme nous avions un certain nombre de personnes dans les traitements subventionnés, et un certain nombre de personnes sur la liste d’attente, et comme les personnes en traitement avaient été choisies au hasard, au début, nous avons fait l’hypothèse que nous avions une expérience que l’on pouvait appeler naturelle, avec un groupe en traitement et un groupe de contrôle non traité créé par la nature, pour ainsi dire.

Projet et patients

Le premier échantillon de patients a été constitué à partir de (a) 205 patients qui avaient été subventionnés en 1990 ou 1991 et (b) les 550 premières personnes sur la liste d’attente pour subvention, sachant que certains d’entre eux étaient déjà en traitement. Cependant, il apparut rapidement, que presque tous les patients sur la liste d’attente étaient également en traitement, aussi, utilisant d’autres moyens de financement. Ainsi nous eûmes à passer à une autre sorte de projet, un projet appelé quasiment expérimental groupé où le groupe des patients et celui de la liste d’attente étaient rassemblés en un seul échantillon d’environ 750 personnes à différents stades de psychanalyse ou de psychothérapie.

La base de ce projet fut une investigation approfondie effectuée en trois vagues en utilisant un questionnaire qui fut conçu et compilé pour l’étude, le Questionnaire de Bien-être (Well-being Questionnaire), nommé en abrégé WbQ. Les stades dans le traitement constituaient en pratique un équivalent logique d’un facteur aléatoire, car la chronologie de nos mesures de résultats était totalement indépendante du fait que chaque personne questionnée était à ce moment en cours de traitement, avait fini le traitement ou ne l’avait pas encore commencé. Ayant trois vagues d’investigation, nous pouvions mesurer le temps du traitement « de façon ordinale », ayant pour unité huit stades grossiers de déroulement du traitement. À la différence du temps réel, le temps ordinal est seulement une question d’avant ou d’après, plus tôt ou plus tard. Ainsi, en examinant la figure 1, et considérant seulement la première vague du WbQ, les patients dans le groupe 1 étaient à un stade relativement précoce de pré-traitement, alors que le groupe 2 était à un stade plus tardif du prétraitement, le groupes 3 à un stade précoce du traitement en cours, les groupes 4 et 5 à des stades plus tardifs du traitement en cours, et le groupe 6 à un stade précoce de post-traitement. Sur plus de 700 personnes que nous avions en principe, un peu plus de 400 personnes avaient choisi de répondre d’une façon utilisable à notre questionnaire dans les trois occasions, et, parce que tous avaient répondu trois fois, nous avions au total plus de 1200 observations réparties dans les 8 stades de l’échelle de temps. À chacun des stades de traitement, la modalité de traitement, psychanalyse ou psychothérapie de longue durée, était un facteur d’auto-sélection.
74 personnes étaient ou avaient été en psychanalyse deux années ou plus, 331 en psychothérapie de longue durée deux années ou plus, et 13 dans des thérapies variées à faible dose, c’est-à-dire à fréquence faible ou de courte durée. Pour assurer la signification clinique de nos résultats, nous avions inclus dans le projet deux groupes de contrôle ou de normalité, chacun d’eux étant un groupe « en bonne santé » et « normal ». Au total, ils représentaient 650 personnes. Le projet est illustré dans le Tableau 1.

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Mesures de résultats

Procédures d’évaluation

Pour nos mesures de résultats, nous avons inclus des mesures à des distances variées des buts intrinsèques de la psychothérapie. En les considérant comme les plus éloignées de la thérapie, nous avons sélectionné des variables à dépendance socio-économique telles que la maladie, l’utilisation des services de santé, et différentes caractéristiques reliées au métier et aux aspects économiques. Ensuite nous avons fait l’hypothèse qu’il existe une sensation d’aller bien, en terme de symptômes, de relations sociales, et de vision générale de la vie et de l’existence, qui ne dépend pas seulement de la thérapie mais aussi des conditions sociales et matérielles. Enfin, nous avons supposé que les changements structuraux internes et les changements de perception et connaissance de soi (self-insight) sont très directement reliés à ce qui s’est joué dans la thérapie, en liaison avec l’expérience du patient d’avoir changé dans le sens d’une amélioration ou d’une aggravation.

Comme dans cet article nous nous concentrons sur les résultats, nous allons décrire le WbQ avec quelques détails. Et aussi comme ces résultats sur le WbQ vont être mis en relation avec certains facteurs liés aux thérapeutes, nous allons aussi décrire un autre questionnaire qui à été administré aux thérapeutes.

Le questionnaire WbQ avait été fondamentalement orienté vers la qualité des relations sociales de la personne et de sa vie intérieure, et vers le caractère et la gravité de ses symptômes psychiatriques. Le questionnaire répondait aussi à l’intention de voir l’interrogé décrire ses traitements psychothérapiques anciens ou actuels, de façon à enregistrer la nature des traitements auto administrés. Parmi différentes sections, ayant trait à la famille, la santé, les éléments économiques, le travail et d’autres conditions, le questionnaire contenait les échelles d’autoévaluation standards suivantes : le Symptôme Check List (SLC-90 ; Derogatis, Lipman, Rickels, Uhlenhuth, et Covi, 1974) ; le Social Adjustement Scale (SAS ; Weismann et Bothwell, 1976; Weissmann, Prusof, Thompson, Harding et Myers, 1978) ; et le Sense of Coherence Scale (SOCS ; Antonovsky, 1987).

Le SCL-90, l’un des instruments le plus fréquemment utilisé dans la recherche en psychothérapie, est une liste de 90 symptômes différents et le questionné doit répondre en notant sur une échelle à cinq niveaux dans quelle mesure il ou elle a été affecté par chacun d’entre eux au cours de ces sept derniers jours. Les scores peuvent être calculés sur 9 sous échelles, mais dans le présent document on utilisera le score moyen sur 90 item, dénommé Index Général de Symptômes (GSI).

Le SAS demande au questionné de témoigner sur la qualité et dans certains cas la quantité de ses rapports sociaux dans les deux semaines écoulées. Il y a six sections, se référant au travail professionnel de l’intéressé, à sa famille, à son partenaire, à ses enfants, à ses connaissances et à ses amis. Un score moyen peut être calculé ainsi que des sous score pour chacun des six secteurs de relations sociales.

Enfin la SOCS est une échelle d’autoévaluation comportant 37 items, concentrés sur l’expérience personnelle de la vie pouvant être considérée comme signifiante, son propre environnement comme compréhensible et maîtrisé pour ainsi dire, et de sa propre capacité à se comporter dans les situations critiques. Nous avons considéré comme adapté de penser le SOCS comme mesurant principalement le moral et la « joie de vivre » de la personne en question.

Il existe trois sous échelles disponibles mais nous avons suivi la recommandation d’Antonovsky d’utiliser la moyenne générale comme score de la SOCS. Le WbQ fut distribué à tous les patients trois fois, de mai 1994 à mai 1996, et le groupe contrôle répondit au questionnaire une seule fois, en mai 1994.

Identité thérapeutique
Afin d’acquérir quelques idées générales sur le milieu thérapeutique dans lequel les traitements se situaient, un questionnaire fut distribué à chacun des 313 thérapeutes et analystes qui avaient des patients dans le projet. Ce questionnaire, Therapeutic Identity (TherId), incluait des questions à propos du cursus et de l’expérience thérapeutique, de l’expérience analytique ou de l’expérience en thérapie, et de l’orientation thérapeutique. Trois autres sections étaient également inclues dans le questionnaire avec l’intention d’enregistrer, en utilisant ensemble environ 75 échelles d’autoévaluation, les croyances du thérapeute sur les facteurs qu’il considérait comme curatifs en psychothérapie, les croyances du thérapeute concernant son style de travail en thérapie et les croyances les plus basiques du thérapeute à propos de la nature de la psychothérapie et la nature de l’esprit humain. Pour des objectifs de standardisation, le questionnaire fut aussi distribué à un échantillon pris au hasard de 325 psychothérapeutes agréés en Suède.

Résultats

En analysant les auto-cotations, nous avons tout d’abord tracé les courbes moyennes des résultats de la SCL-90 autocoté (ou de la SAS ou de la SOCS) pour chacun des six groupes, comme montré dans la Figure 2

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Nous avons alors pris la moyenne pondérée d’ensemble de tous les groupes qui, dans chaque vague d’investigation, étaient dans la même position sur l’échelle des temps. Nous avons alors obtenu la courbe de décroissance plutôt régulière de la Figure 3.

Cette courbe est basée sur 1254 observations, parmi lesquelles les quatre situées au stade précoce du prétraitement furent plus tard écartées comme constituant un groupe trop peu nombreux. Sur cette figure les scores du SCL-90 sont visiblement plutôt élevés au commencement; en fait ils sont bien au-dessus de la ligne qui sépare du reste les 10 % plus mauvais scores du groupe normal qui est à 1,28 SDs (déviation standard) au-dessus de la moyenne du groupe normal. Le niveau représenté par cette ligne est suggéré par Derogatis et Lazarus comme le meilleur critère limite de cas, c’est à dire le meilleur critère pour pouvoir considérer qu’une personne est en grand risque d’un diagnostique positif et, de ce fait, de devenir un cas. Nous appellerons cela la ligne de signification clinique.

Et il y a une décroissance régulière quand le traitement démarre et ensuite une stabilisation un peu après la fin du traitement, au niveau du normal, c’est à dire parmi les 90 % meilleurs scores dans le groupe normal, mais cependant encore à quelque distance de sa moyenne qui est le niveau qu’on peut raisonnablement se fixer comme objectif du traitement. Dans ce cas nous aurions une complète superposition entre les personnes traitées et la population normale. Ceci est notre format général de présentation de nos résultats. Laissez-moi ensuite vous montrer ce qui arrive quand nous divisons le groupe des patients en fonction de leur traitement principal, 74 en analyse, 331 en psychothérapie et 13 en thérapie à faible dose.

Dans la figure 4, apparaissent deux trajectoires en traits épais, le trait continu pour les patients en psychothérapie et le trait discontinu pour les patients en analyse. Comme vous le voyez, ils partent presque exactement du même niveau et déclinent graduellement. (Figure 4)

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Cependant, il apparaît une différence importante, mais seulement lorsque le traitement est fini. Alors que le groupe de psychothérapie n’atteint qu’un 

Cependant, il apparaît une différence importante, mais seulement lorsque le traitement est fini. Alors que le groupe de psychothérapie n’atteint qu’un niveau légèrement inférieur à la ligne de signification clinique, le groupe d’analyse approche de près la valeur moyenne du groupe normal. Il y a un effet très important quels que soient les standards envisagés, alors que l’effet est modéré dans le groupe de psychothérapie. (Entre parenthèse, même, si nous vérifions en tenant compte de toutes sortes de différences initiales entre les deux groupes, les différences subsistent – ou même s’accroissent.) Bien qu’il s’agisse clairement de courbes, pour des raisons pratiques, nous avons ajusté des lignes droites sur les trajectoires de chaque groupe, pour mesurer le taux de changement de chaque groupe. Si l’on suppose que les développements ultérieurs devraient continuer linéairement, il faudrait aux patients en psychothérapie une durée de 9 ans pour atteindre ce que les analysants ont atteint en 3. Nous avons aussi fait correspondre une ligne droite aux moyennes du groupe en thérapie à dose faible, ce groupe est très petit après tout, aussi n’y a t-il pas grande signification à vous montrer cette courbe très irrégulière, mais comme vous le voyez, il y a en fait une pente positive, c’est à dire une tendance à aller d’une charge en symptômes de détresse plus faible à une charge plus forte.
Ensuite, dans les figures 5 et 6 sont tracées les courbes correspondantes pour l’Échelle du Sens de Cohérence (SCOS) et pour l’Échelle d’Ajustement Social (SAS). (Figures 5 et 6). Sur la SOCS, il y a le même aspect qu’avec la SCL-90, quoique moins accentué – noter ici que les résultats de la SOCS s’améliore vers le haut. Sur les SAS, par contre l’amélioration est chiffrée vers le bas, comme sur la SCL-90, mais il apparaît que les progrès sont plutôt modestes et presque les mêmes dans les deux groupes.

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Nous avons trouvé cet ensemble de résultats tout à fait intéressant, parce que nous avons toujours cru que la psychanalyse n’est pas en premier un traitement thérapeutique de symptômes, mais plutôt un développement plus général, et en quelque sorte éducationnel de la compréhension de soi et de l’acceptation de soi. Cependant, il semble apparaître des résultats de cette étude que la psychanalyse est tout à fait capable aussi de produire des atténuations de symptômes croissantes et de longue durée. Cela fut une surprise pour nous. Cela fut également une surprise de trouver que le développement de l’ajustement social était pratiquement le même qu’un patient fut en psychothérapie ou en psychanalyse. Bien sûr, la SAS est une mesure de relations sociales plus que des relations interne à l’objet, D’autre part, on pourrait croire que la qualité des relations sociales refléterait la qualité des relations objectales, et cela nous avons été capables de le confirmer dans une expérience au Département de Psychologie à l’Université de Stockholm. Nous aimerions explorer plus complètement pourquoi les effets sur les relations sociales sont aussi faibles comme cela semble être le cas. Une raison possible, bien sûr, serait que la SAS soit une mesure peu sensible, mais nous n’allons pas commencer par cette supposition. Tout d’abord, il s’agit d’une mesure bien établie. En second, nous avons investi pas mal de temps à l’adapter aux conditions suédoises et aux temps modernes, en améliorant, nous le croyons, son format vers un format plus acceptable pour la psychométrie. Troisièmement, nous avons trouvé de grandes différences entre les différentes sous-échelles de la SAS, comme on le voit dans la figure 7, qui décrit le groupe des psychanalyses. (Figure 7)

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L’échelle concernant le travail s’améliore beaucoup, les échelles vers les proches (parents, proches parents, famille étendue) pratiquement pas. Cette situation est difficile à interpréter, bien sûr, spécialement parce qu’il apparaît au contraire une détérioration en début de traitement sur toutes les échelles exceptées les échelles du travail et de l’amitié. En spéculant un peu, cette dernière trouvaille, qui a un parallèle sur la SOCS, pourrait refléter un éloignement initial narcissique des relations objectales, avec en premier une prise de distance avec les personnes proches. Dans certains cas, comme celui des relations avec ses propres enfants, le niveau du pré-traitement est malheureusement difficilement retrouvé. Une façon de résumer les résultats précédents est de compter simplement combien de personnes dans chaque groupe à chaque étape du temps ont été du côté « en bonne santé » de la ligne de signification clinique sur les trois échelles. Ceci constitue un critère très exigeant par rapport à ce qui est habituellement appelé « résultat cliniquement significatif » dans la littérature de recherche psychothérapique, plus exigeant en fait que ce qui est utilisé habituellement. Cependant, nous avons décidé d’être plus stricts pour être du coté sûr. Ce que nous avons trouvé est montré dans la figure 8. (Figure 8)

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Les échelons verticaux représentent les pourcentages de chaque groupe à chaque étape du temps qui satisfont notre critère de normalité de santé. À gauche, la psychothérapie, à droite la psychanalyse. Il y a un fort accroissement à partir d’environ 12 % jusqu’à un peu au-dessus de 70 % dans le groupe d’analyse et un accroissement modéré depuis un peu moins de 30 % jusqu’à 55 % dans le groupe de psychothérapie. À titre de comparaison, 84 % dans le groupe normal étaient « normaux » dans le sens opérationnel donné à ce terme. Les résultats pour la psychothérapie sont bons, et pour la psychanalyse très bons et même impressionnants. Jusqu’à quel point ces résultats positifs sont-ils associés avec les thérapeutes et les facteurs thérapeutiques ? En considérant le manque de réponse des patients et des thérapeutes, nous avons eu dans toutes les données sur les patients et les thérapeutes 325 couples de traitement, dont 264 psychothérapies, 53 analyses, et 8 thérapies à doses faibles.

Une chose qui nous a beaucoup intéressés a été de rechercher jusqu’à quel point l’expérience du thérapeute peut être payante ; c’est à dire l’expérience du thérapeute est-elle associée avec le résultat ? La raison de notre intérêt est que la recherche sur la psychothérapie est arrivée jusqu’à présent à la conclusion plutôt étonnante que l’expérience du thérapeute n’a pas d’importance si l’on s’intéresse aux résultats et que le cursus du thérapeute – un aspect de l’expérience, réellement – importe peu (Stein et Lambert 1984, 1985). Ce que nous avons trouvé dans cette expérience est un phénomène complexe, multidimensionnel et que certaines des dimensions ont peu et d’autres beaucoup à voir avec les résultats. La variable de base dans la caractérisation de l’expérience est naturellement l’âge ; acquérir tout type d’expérience prend du temps. (Figure 9)

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Comme le montre la figure 9 il y a une tendance presque régulière à ce que les thérapeutes plus âgés obtiennent de meilleurs résultats avec leurs patients, indépendamment du sexe du thérapeute ou du patient, et indépendamment du fait qu’il s’agira d’une psychanalyse ou d’une psychothérapie. Ceci apparaît sur la SCL — 90, qui est la plus sensible des échelles et qui sera utilisée tout au long de ce qui suit. Il y a une irrégularité : c’est le second plus jeune groupe – non pas le plus jeune – qui tend vers le plus mauvais. Si l’on se permet de spéculer, il apparaîtrait, un peu étrangement, une sorte de stagnation désillusionnée après quelques années dans la profession.

Naturellement, l’augmentation de l’âge n’apporte pas de valeur supplémentaire si ces années ne sont pas utilisées dans quelques pratiques en valant la peine. Si nous considérons simplement la quantité de temps pendant laquelle une personne a travaillé comme thérapeute, il y a une relation positive avec le résultat des patients dans les traitements. Mais si nous séparons ce temps en deux périodes, l’une avant d’être agréée pendant laquelle la personne travaille comme une sorte d’apprenti sous supervision avant sa formation majeure définitive, et l’autre après avoir été agréée, nous verrons dans la figure 10 que c’est plutôt cette dernière période qui fait la différence. (Figure 10)

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Nous avons séparé chaque période à partir du nombre médian d’années, moins ou plus de 10 ans. Il semble apparaître que pratiquer simplement la psychothérapie n’est pas suffisant – une formation de base est nécessaire pour être capable d’utiliser cette expérience. (Figure 11)

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Cela fait aussi une différence, comme on peut le voir dans la Figure 11, si l’on a passé ces années à travailler comme psychothérapeute dans une pratique privée ou dans le système de santé publique. En partageant cette variable à sa médiane, qui est de 13 ans, nous avons cependant trouvé que ce point ne semble pas avoir d’importance dans le cas des psychanalystes. Ce sont seulement les psychothérapies qui semblent souffrir de la moindre expérience des thérapeutes en pratique privée. (Figure 12)

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Pour résumer nos résultats sur l’expérience du thérapeute en rapport avec la Figure 12, il y a indubitablement un phénomène multidimensionnel qui peut expliquer les r résultats nuls de façon générale sur ce point dans la littérature de recherche. Il y a un nuage de variables inter corrélées qui sont clairement associées avec les résultats sur les patients et ces résultats généralement favorisent les psychanalystes dans cet échantillon, tels que l’âge et l’expérience après la formation, principalement dans la pratique privée. Cependant, cet avantage n’est pas lié à la pratique de la psychanalyse, parce que c’est également avantageux chez les psychothérapeutes, ou même davantage. De plus, une formation en psychanalyse en soi n’est d’aucun avantage quand il s’agit de psychothérapie – bien que, naturellement, la psychanalyse apparaisse comme généralement supérieure à la psychothérapie.

Pour donner une appellation brève, nous nommerons cela le nuage de points de l’expérience des praticiens privés. Ensuite, à droite, un nuage d’expérience psychiatrique. Ceci implique d’avoir eu beaucoup de patients en thérapie depuis des années (charge en cas); beaucoup d’années de travail en psychothérapie avant la formation et l’obtention des diplômes ; et beaucoup d’années de travail avec des patients psychiatriques internes ou externes. La formation à différents types de psychothérapies est également incluse dans ce nuage. En général, à part la charge en cas, ces variables ne sont pas associées avec les résultats des thérapies. Enfin, nous avons ce que nous aimons appeler un nuage de formation expérimentale, avec une formation à la supervision, une expérience pratique de la supervision, – sous comme thérapeute soit comme superviseur – et enfin une longue thérapie ou analyse, personnelle ou de formation. Parmi ces variables, avoir une formation de supervision et faire de la supervision sont positivement associés avec les résultats des patients, alors que rester en supervision ou thérapie personnelle pour de longues durées est clairement associé aux résultats de façon négative.

Et maintenant, si nous ne l’avons pas déjà compris, nous nous rendons compte que le point crucial dans nos analyses, est qu’il nous est impossible de tirer des conclusions causales, parce que nous ne pouvons pas dire dans quelle mesure les associations trouvées sont des effets du traitement ou des effets de sélection. Quand il s’agit du fait d’être en supervision et d’être dans un parcours particulièrement long de formation à l’analyse ou à la thérapie, il y a presque certainement des effets de sélection, car des thérapeutes avec des problèmes professionnels ou personnels sont particulièrement enclins à rechercher une supervision ou une ré-analyse ou une re-thérapie et malgré cela à ne pas être tellement bons professionnellement. Quand il s’agit de l’âge, du nombre d’années de travail comme thérapeute etc., il se peut naturellement que les bons patients, pour ainsi les nommer, choisissent les thérapeutes les plus expérimentés ou encore, que les thérapeutes qui ne sont pas si bons abandonnent dans les premières années de leur pratique, laissant une plus grande proportion de bons thérapeutes parmi les plus anciens ou les plus expérimentés. Si nous avions pu affecter les patients aux thérapeutes dans une répartition au hasard – et les thérapeutes à l’expérience ! –, nous aurions pu extraire ces différentes interprétations alors qu’actuellement nous ne disposons que d’un certain nombre d’associations ou de corrélations – mais combien intéressantes !

Il y a aussi un certain nombre de résultats intéressants sur les attitudes et valeurs des thérapeutes. Ces variables sont les plus proches que nous puissions avoir dans notre étude concernant le milieu thérapeutique au sein duquel ces traitements étaient conduits.
Quand le questionnaire des thérapeutes a été décrit, il a été indiqué qu’il incluait une batterie d’environ 75 items auto-cotés concernant le style thérapeutique, la croyance dans les facteurs curatifs, et leurs hypothèses concernant la nature humaine. Quand les résultats correspondants furent analysés par facteurs un à un dans l’échantillon national, standard des thérapeutes, nous avons extrait 9 facteurs qui peuvent être interprétés. Ces facteurs sont présentés dans le Tableau 2 de façon auto explicative. Sur la base des résultats obtenus sur les facteurs concernant les thérapeutes, nous avons alors été en mesure d’identifier et déceler quatre catégories de thérapeutes et d’analystes sur la base de leurs croyances et de leurs valeurs. Trois de ces catégories sont représentées dans la Figure 13. (Tableau 2) (Figure 13)

figure im13

On y voit une classe de thérapeutes qui valorisent relativement peu la maîtrise, l’aide, la gentillesse et l’ouverture en psychothérapie, alors qu’ils attachent plus d’importance à la neutralité technique et à l’insight. Dans cette classe, les gens qui possèdent une formation psychanalytique sont très fortement représentés, mais il y a aussi un nombre important de psychothérapeutes sans formation spécifique psychanalytique. Nous considérons ces personnes comme un groupe avec des idéaux classiquement psychanalytiques. Un autre groupe de thérapeutes brille par son absence dans notre étude alors que nous l’avons identifié dans l’échantillon national, et ce sont ceux qui mettent des valeurs fortes sur la maîtrise, le support, la gentillesse et l’ouverture mais ne valorisent pas autant la neutralité ou l’in-sight. Ce sont les thérapeutes cognitifs ou comportementaux. Cependant, nous n’avons eu aucun traitement de ce type dans notre échantillon de résultats. Les deux autres groupes restants, nous les appelons éclectiques, parce qu’ils obtiennent des scores élevés sur toutes les échelles, celles où les comportementaux ont des résultats élevés aussi bien que celles où les analystes les obtiennent. La différence entre les deux clusters est principalement une question d’attitude vis a vis de l’ouverture, et ceci est relié à leur formation d’une façon plutôt particulière et sans grand insères dans ce contexte. Il est important cependant de noter qu’il y avait quelques psychanalystes appartenant à ces clusters, en plus des psychothérapeutes standard.
Maintenant, supposant qu’il y ait quelque association entre ce qui se passe dans une psychothérapie et les attitudes et valeurs du thérapeute, nous avons relié les trois nuages de thérapeutes restants aux résultats des patients. Notre intérêt était de trouver si les thérapeutes appartenant à ces différents nuages réussissaient également bien avec leurs patients en terme de résultats. La Figure 14 montre ce que nous avons trouvé pour la SCL -90, quand nous avons tracé les trajectoires des trois différents nuages en fonction des stades du traitement, sans tenir compte si la modalité de ce dernier était une thérapie ou une analyse. (Figure 14)

figure im14

Il y a visiblement un nuage qui dévie négativement des deux autres, et ceci est naturellement le nuage psychanalytique. Il n’y a pratiquement pas de développement ici. Il faut noter que ces traitements n’étaient pas tous des psychanalyses et les thérapeutes n’étaient pas tous des psychanalystes, mais leur attitude était classiquement psychanalytique.

Ainsi nous pouvons conclure à propos de l’analyse et de la thérapie, l’attitude classique psychanalytique n’est pas optimale, au moins du point de vue des résultats sur les symptômes. Certains pourraient objecter que la diminution des symptômes n’est pas réellement intéressante d’un point de vue psychanalytique, mais ils fermaient mieux de se rappeler que la vision de Freud sur la formation des symptômes était que ceux-ci sont réellement fortement associés, comme signaux, avec ce qui se passe intrapsychiquement et, dans la mesure ou ils sont des formations stables, ils donnent une indication sur les structures intra psychiques. Donc, du point de vue de Freud, des changements de symptômes stables doivent signifier un changement structural. En plus, empiriquement, la SOCS montre exactement le même type de diagramme, et pourtant elle n’est pas en principe une évaluation de variation de symptômes.

Ceci est bien sûr un peu perturbant, car nous savons que la psychanalyse semble être tout à fait efficace, en général. L’idée nous est venue progressivement que la situation psychanalytique classique peut être excellente avec une personne sur le divan cinq à six fois par semaine, mais non optimale avec un face à face une fois par semaine. Ainsi, avons nous fait l’hypothèse qu’il pouvait y avoir une différence entre une psychothérapie avec un thérapeute tourné vers la psychanalyse et une psychanalyse avec quelqu’un de même tendance. Nous avons alors décompté notre échantillon de patients en patients en psychothérapie, et en analysants, et comparé les thérapeutes figurant dans les trois nuages. Pour simplifier la présentation dans la Figure 15, nous avons mélangé les deux nuages éclectiques, qui étaient réellement très semblables, à la fois dans leurs attitudes et dans leurs résultats. (Figure 15)

Comme le montre la Figure 15, la psychanalyse est à peu près également efficace avec des analystes des deux types mais la psychothérapie ne l’est pas. Comme vous le voyez, les thérapeutes et les analystes du type éclectique sont presque également efficaces dans les deux modalités, avec une légères supériorité pour les psychanalystes. De même avec les thérapeutes à inclinations psychanalytiques, la psychanalyse est globalement égale à ces derniers en terme de résultats. Cependant, la psychothérapie ne l’est pas. Il n’y a pratiquement aucun développement, et les patients en psychothérapie des thérapeutes à inclinaison psychanalytique terminent au niveau des personnes ayant dans le groupe normal les 10 % plus mauvais scores, ceci en moyenne. Notre interprétation est que le type d’attitude thérapeutique classique psychanalytique ne conduit pas à des changements en psychothérapie – bien que ce soit le cas en psychanalyse. Ce n’est sûrement pas parce que la valorisation de la neutralité comme un moyen, ou l’insight comme un but, serait mauvaise, car les éclectiques valorisent cela tout autant. La réponse convenable semble être que le point de vue psychanalytique classique – sous le prétexte de la règle d’abstinence – semble négliger ou dévaluer les composantes relationnelles positives que sont : être amical, personnel – au moins un peu – et concerné. Cela ne semble pas avoir autant d’importance dans la situation psychanalytique, mais il semble par contre que cela le soit en psychothérapie. Notre conclusion est qu’il y a une différence qualitative entre les deux, que la psychanalyse et la psychothérapie orientée de façon psychanalytique, comme elles l’étaient, en général, sont différentes en nature.
Il est vrai que cette étude n’est pas à 100 % parfaite et par conséquent ne peut donner de conclusions à certains égards. Bien entendu, il n’y a pas jamais d’études parfaitement concluantes. Cependant celle-ci est suffisamment bonne pour rendre ces résultats dignes d’être pris en considération. Mais, jusqu’à présent, ils n’ont eu qu’un faible impact sur la discussion concernant la formation en psychothérapie – s’il en existe une – parmi les formateurs en psychothérapie en Suède, ou parmi les psychanalystes qui prennent part à de telles formations ou faisant eux-mêmes un travail de psychothérapie parallèlement aux psychanalyses. Et ceci conduit à une conclusion importante sur le travail de recherche sur la psychanalyse en général dans le futur. Comme beaucoup d’autres chercheurs, Fisher et Greenberg (1996), Masling (1983, 1986, 1990 ; Masling & Borstein, 1993, 1994), ont montré qu’il est bien sûr possible de faire de la recherche sur la psychanalyse de beaucoup de façons différentes, et il y a un nombre croissant de psychanalystes qui s’intéressent à faire eux-mêmes de la recherche. Mais nous sommes encore – et serons toujours, pour différentes raisons – une minorité dans la communauté psychanalytique. Ayant maintenant commencé à faire de la recherche en psychanalyse, notre prochaine tâche, également importante mais véritablement difficile – et c’est notre conclusion – sera d’amener tous les autres analystes, qui ne font pas eux-mêmes de recherche, à s’intéresser à la recherche qui est faite, prendre en considération les recherches valables, les discuter, prendre connaissance et prendre conseil à partir d’elles, et la laisser influencer leur pratique de telle façon qu’ils fassent du traitement psychanalytique un engagement encore plus valable pour les analysants.

Note

[*] Sandell R., Blomberg A., Lazar A. Schubert J., Carlsson J., Broberg J., As time goes by. Long term outcome of psychanalysis and long term psychotherapy. Traduction de la conférence de Rolf Sandell à l’APEP le 13 novembre 1998.

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