Perdre pied, être débordé, s’étourdir ou s’extasier : à quels enjeux ou ressorts de la vie psychique renvoient les expériences de vacillement et de vertige ? Si le premier évoque la perte d’équilibre (le sol tremble ou se dérobe), le second résonne du côté d’un excès de sensation qui, dans le langage courant, est associé à l’angoisse (c’est le Vertigo d’Hitchcock, dont le titre français, Sueurs froides, parle de lui-même).
Vacillement et vertige appellent la représentation d’un sol, d’un élément de stabilité, potentiellement défaillant. Quel pourrait être le sol du moi ou, pour le dire autrement, du sentiment d’existence – voir de l’identité ? La réalité ? L’autre ? Les idéaux ? La conflictualité psychique, l’attaque constante de la pulsion et la fragilité constitutionnelle d’un moi qui se voudrait invincible compliquent, dès le début, l’idée même d’un sol pour Psyché. Du doute chronique de l’obsessionnel, dont la pensée balance indéfiniment, aux pertes de conscience de l’hystérique, le vacillement est indissociable des débuts de la psychanalyse. Avec la seconde topique, il se déplace vers le moi lui-même qui perd son statut d’allié fiable pour devenir cet « être de frontière » soumis aux pressions de trois maîtres. Mais c’est avec les psychanalystes post-freudiens que l’idée d’un moi fragile, vacillant, prend véritablement de l’ampleur : les théories des fonctionnements limites, des personnalités narcissiques ou encore des troubles narcissiques-identitaires, la montée en puissance de la notion de Self, mettent au travail l’idée d’un flottement de l’être, d’une difficulté du sujet à se situer lui-même et dans sa relation aux autres : ne pas bien savoir qui l’on est, à quoi, à qui l’on ressemble. Dans le champ psychiatrique, le vacillement du moi renvoie essentiellement à la dépersonnalisation, à la déréalisation et à la dissociation, c’est-à-dire à la psychose et notamment la schizophrénie.
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