Voyages au milieu de l’inconnu
Éditorial

Voyages au milieu de l’inconnu

Dans le cadre de nos cabinets ou de nos institutions, j’ai toujours été frappé que nos patients abordaient les « affaires de notre temps » beaucoup moins souvent que je n’aurais pu l’imaginer. Pour la plupart, en dehors de ce cadre, ils n’en étaient pourtant pas moins mêlés, concernés et affectés comme tout un chacun. Récemment, j’ai été surpris que les deux événements les plus marquants de ce début d’année, le terrorisme meurtrier de janvier et l’acte inimaginable de ce pilote d’avion, soient cette fois-ci évoqués beaucoup plus systématiquement. L’horreur n’en était pourtant pas moins manifeste qu’un certain nombre d’événements antérieurs. Serait-ce révélateur d’un « malaise de la civilisation » beaucoup plus profondément ressenti que précédemment, amenant à désirer être écouté aussi pour cela ? Aurions-nous alors le devoir de partager, dans notre cadre professionnel, le désespoir que chaque nouvelle information largement médiatisée nous livre et nous inflige au détriment de tout ce qui pourrait susciter de l’espoir, surtout pour ceux qui en manquent le plus ?

Toujours soucieux de montrer la beauté du monde, de combattre les inhibitions chez ceux qui n’osent pas suffisamment prendre des risques, de proposer de lutter plutôt que subir chez ceux qui subissent, je ressens par moment que la brume qui cache le soleil se dissipe de moins en moins. Que ressentir quand on lit cette information : « ni bombe nucléaire, ni fonte des glaces : l’extension de l’humanité pourrait provenir de l’acidité des océans. C’est ce qu’une nouvelle étude tend à démontrer… » ? Il faut, me semble-t-il, avoir le cœur bien accroché quand on nous annonce que le monde continue lentement de dépérir.  

Pour ma part, j’en tire un nouvel intérêt professionnel loin du poids écrasant des grandes vérités collectives et sachant que tout cela n’a d’autre sens que celui que chacun peut y mettre, j’ai envie aujourd’hui de me consacrer à une « écoute psychanalytique positive ».