Je me souviens. Alain de Mijolla était un passionné d’histoire de la psychanalyse, il nous a quittés récemment en nous laissant une œuvre essentielle. Son ouvrage consacré aux visiteurs du moi était déjà une façon d’explorer l’histoire du sujet ainsi que la jonction entre histoire subjective et histoire de la psychanalyse. Son caractère trempé ne l’empêchait pas d’être un créateur de liens, je me souviens avoir ainsi rencontré Thomas Aichhorn par son entremise. Les congrès internationaux qu’il organisait étaient dénués de tout dogmatique ; on y entendait des psychanalystes jungiens dialoguant avec des freudiens ou encore le pourtant décrié Paul Roazen. Dans sa petite musique, l’histoire se laissait attraper à partir de faits étayant des hypothèses et non à partir d’éléments romancés. Et puis, comment ne pas rejoindre son point de vue lorsqu’il regrettait le peu de place que les sociétés psychanalytiques font à l’histoire de leur discipline, alors que dans le même temps il obtenait un prix prestigieux aux Etats-Unis venant récompenser les activités de l’Association Internationale d’Histoire de la Psychanalyse ?
Son élan et son bouillonement intellectuel m’ont donné envie de plonger dans l’histoire de la psychanalyse pour tenter de repérer l’histoire des courants d’idées, des concepts ou des hommes en prenant soin de remettre dans le contexte ; cette démarche historico-critique ne vise pas à énoncer une vérité, toujours relative et plurielle, mais ouvre sur une triple dimension complémentaire, clinique, théorique et biographique.
Entre autres choses, il m’a appris l’existence de cette belle formule de Freud à l’attention de sa fiancée Martha, que je n’hésite pas, en toute identification assumée, à reprendre à mon compte : « Tu le sais, un tempérament de chercheur implique deux qualités fondamentales : sanguin dans la recherche, critique dans le travail ».
Relisons donc l’œuvre d’Alain de Mijolla, et ce faisant restons freudiens.