La pensée est sans doute ce que nous avons de plus précieux, et elle ne peut aucunement se concevoir sans la liberté de penser. Mais la pensée n’a de cessse de s’en prendre à elle-même, haine de la pensée pour la pensée. Ce qu’il y a peut-être de spécifiquement humain est, en effet, notre capacité de penser notre pensée et nos propres pulsions, mais c’est aussi ce qui, hélas, semble ouvrir conjointement sur le meilleur et sur le pire. L’attaque de la pensée par la pensée s’avère donc fondamentalement inscrite dans le registre de l’humain comme une conséquence de notre réflexivité psychique, de la spirale maléfique de notre masochisme le plus archaïque. De ce fait, il n’y a pas les terroristes et les autres… Avons-nous pour autant les concepts nécessaires pour penser la barbarie ? Tout se passe comme si celle-ci supposait une désintrication complète des pulsions de vie et des pulsions de mort, alors même que S. Freud pensait que seule la mélancolie pouvait valoir comme « pur instinct de mort ». Y aurait-il, alors, une dimension mélancolique de la barbarie ? D’où la question troublante : que n’avons-nous pas fait, que secrète notre société pour transformer en terroristes barbares des jeunes qui, de loin, ressemblent pourtant à tous les autres, voire à nos propres enfants ? La barbarie n’a qu’un visage humain et l’accès à la réflexivité se paye décidément au prix fort !