Exposition : Barbara Hepworth
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Exposition : Barbara Hepworth

Barbara Hepworth, Musée Rodin. Jusqu’au 22 mars 2020

Le Musée Rodin présente une sculptrice britannique peu connue en France, Barbara Hepworth (1903-1975). Elle était pourtant un membre important du renouveau de la « sculpture anglaise », qui est apparue à Londres à la veille de la Première Guerre mondiale et s’est développée tout au long du XXème siècle, avec de nombreux artistes, dont Henry Moore.

Au début, devant certaines œuvres, on s’arrête en se disant « c’est du Moore ! ». Ainsi avec Forme trouée (1931), Hepworth transperce une masse compacte, comme l’a fait Moore, puis elle crée, en 1933, une sculpture en deux morceaux, ressemblant aussi en tout point aux œuvres de Moore. Ou encore des représentations mère/enfant. Ils étaient contemporains, se connaissaient bien car ils ont étudié au même moment à l’École des Beaux-Arts. Barbara Hepworth était la cadette de cinq ans de Henry Moore. Ne serait-elle qu’une imitatrice de Moore ? En fait on est étonné d’apprendre que ces œuvres de Barbara Hepworth précédaient de deux ans les créations analogues de Henry Moore. Mais c’est pourtant Henry Moore qui a été reconnu comme le représentant principal de la sculpture britannique, exposant partout dans le monde, alors que le nom de Barbara Hepworth est resté peu connu. Pourtant elle a beaucoup innové dans l’art de la sculpture et a été l’une des rares femmes à jouer un rôle actif dans l’émergence d’une nouvelle sculpture dans les années 30. Ce n’est qu’aujourd’hui que les sculptures de Barbara Hepworth sortent de l’ombre de celles de son ami et rival Henry Moore.

Au-delà des affinités apparentes, les deux œuvres sont complètement différentes. Moore a développé des représentations du paysage et de la figure humaine, tandis que Barbara Hepworth est restée une artiste abstraite indépendante. Elle va épurer sa quête de formes organiques, qui peuvent paraître répétitives, austères, même un peu ennuyeuses. En effet, il n’y a rien de spectaculaire dans ces formes élémentaires, qui tentent de donner forme à une expérience, une vision du monde. Ce sont des objets de méditation plus que des œuvres d’art. Malheureusement dans les salles trop exiguës de l’exposition, installées dans l’ancienne chapelle, elles sont mal mises en valeur, posées les unes à côté des autres, alors que chaque pièce demanderait un espace pour déployer son aura spirituel.

Les sculptures de Barbara Hepworth évoquent des objets de méditation d’Extrême Orient. Un cercle percé d’un trou, ressemble à un disque Pi Chinois, objet rituel qui met en évidence l’accord de la terre avec le ciel.

Ou encore Pelagos, considéré comme le chef-d’œuvre de Barbara Hepworth, qui évoque les Rochers de lettrés chinois (qu’on avait pu découvrir dans une exposition à Paris en 2016). Les lettrés posaient sur leur table des pierres, fragments de montagne qui représentaient la montagne toute entière et amenaient ainsi la nature sur la table du lettré. De même, Pelagos contient en une boule tout un univers naturel, la lumière méditerranéenne que Barbara Hepworth avait découverte lors d’un voyage en Grèce, ainsi que l’univers des vagues et des ressacs de Cornouailles.

Ce qui est essentiel dans son art, c’est le rapport à la nature. « Nous nous régénérons perpétuellement dans la contemplation de la Nature, notre sens du mystère et notre imagination demeurent vivants, et une fois bien comprise, elle nous donne le pouvoir de projeter dans un médium plastique un peu de sentiment de beauté universelle ou abstraite ». En quête d’une autre relation au monde, elle cherche des formes nouvelles, biomorphiques, organiques. On voit ainsi dans l’exposition une suite de formes très épurées (elle a été marquée par la découverte de Brancusi), qui deviennent de plus en plus abstraites.

Elle s’est installée en 1940 avec son deuxième mari, Ben Nicholson, peintre et sculpteur, en Cornouailles, dans le petit port de Saint Ives, qui est devenu un centre attirant de nombreux artistes, et où s’est ouvert en 1976 un musée qui lui est consacré. Elle y a vécu de 1950 à sa mort en 1975, même après sa séparation d’avec Ben Nicholson. C’est dans ce village, petit port d’ardoises et de granit, que Virginia Woolf passait ses vacances, enfant, et qui lui inspira La Promenade au phare en 1927.

Les paysages de Cornouailles ont été une grande source d’inspiration pour Barbara Hepworth. Collines, dolmens, et surtout la mer et les rochers. Elle semble avoir incorporé la force des vagues se brisant sur les rochers, comme dans la vidéo de l’exposition, où on la voit s’attaquer à de gros blocs de pierre avec la technique de la taille directe, qu’elle pratiquait plutôt que le modelage. Elle utilisait un outillage traditionnel plutôt que des machines électriques et travaillait pendant longtemps sans assistant. C’est un véritable corps à corps avec la matière. On la voit complètement engagée dans son travail très physique de sculptrice, dont elle disait que c’était comme d’entrer dans une transe et qu’il ne fallait surtout pas faire de bruit, car elle écoutait la musique que font les instruments taillant la matière.